OCDE (Photo : Jean Ayissi) |
[12/02/2013 16:16:18] PARIS (AFP) En pleine controverse sur les impôts dérisoires payés par des multinationales comme Starbucks ou Google, l’OCDE a reconnu mardi pour la première fois des failles dans les normes fiscales internationales et a promis un “plan d’action” ambitieux pour y remédier.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se targue d’avoir permis plusieurs avancées contre l’évasion fiscale et le secret bancaire.
Dans le sillage de la crise financière de 2008, elle a publié une liste noire, poussant les paradis fiscaux, pour être blanchis, à se conformer à ses normes en matière de transparence et à signer des accords de coopération bilatéraux.
Mais l’attention politique et médiatique s’est récemment portée sur un autre aspect du problème: les multinationales. C’est l’objet du rapport publié mardi par l’OCDE, qui se propose de “lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices”.
Derrière cet intitulé un rien barbare, le diagnostic est alarmant: “certaines multinationales utilisent des stratégies qui leur permettent de ne payer que 5% d’impôts sur les bénéfices, alors que des entreprises plus petites en acquittent jusqu’à 30%”.
“Bien que techniquement licites, ces stratégies sapent la base d’imposition de nombreux pays et menacent la stabilité du système international”, a déclaré le secrétaire général de l’OCDE Angel Gurria. “A l’heure où pouvoirs publics et citoyens ont du mal à joindre les deux bouts, il est essentiel que tous les contribuables – particuliers et entreprises – paient leur juste part d’impôts.”
Plusieurs cas ont défrayé la chronique. Les cafés Starbucks ou le distributeur en ligne Amazon ont été pointés du doigt pour les tours de passe-passe qui leur permettent de payer très peu d’impôts dans des pays où leur activité est florissante.
L’exemple le plus connu est celui de Google. Grâce à une série de montages financiers, baptisés “sandwich irlandais”, la quasi-totalité des revenus du moteur de recherche, déclarés en Irlande après un passage aux Pays-Bas, sont transférés aux Bermudes, un paradis fiscal notoire.
Le gouvernement britannique a tapé du poing sur la table. D’autres capitales, comme Berlin, Paris mais aussi Washington, s’inquiètent de voir tant de recettes fiscales passer à travers les mailles du filet — on estime que 1.700 milliards de dollars de profits réalisés par des sociétés américaines ne sont pas rapatriés aux Etats-Unis.
L’Allemagne, le Royaume-Uni et la France ont demandé au Groupe des vingt principaux pays riches et émergents (G20) de s’emparer du sujet.
L’OCDE remettra son rapport aux ministres des Finances du G20, réunis vendredi et samedi à Moscou, et promet un “plan d’action global” d’ici l’été. Elle espère surfer sur la vague d’indignation pour aboutir “rapidement” à de nouvelles règles internationales permettant de “rendre inopérants les schémas agressifs d’optimisation fiscale”, selon le responsable de la fiscalité à l’OCDE, Pascal Saint-Amans.
L’organisation fait en effet un constat sévère sur les règles existantes qui protègent les multinationales de la double imposition mais leur permettent “d’échapper complètement à l’impôt” et qui “ne sont plus en phase” avec une économie mondiale de plus en plus intégrée, immatérielle et numérique.
Or, ces règles ont le plus souvent été inspirées par l’OCDE elle-même, souligne Mathilde Dupré, de l’ONG CCFD-Terre solidaire, en pointe sur ces sujets, qui se réjouit néanmoins de ce diagnostic. “Pour la première fois, l’organisation reconnaît qu’il y a des failles dans ses règles”, relève-t-elle.
Selon l’ONG, les 3.000 conventions fiscales bilatérales conclues par les Etats sous la pression de l’OCDE se révèlent aujourd’hui être autant d’obstacles à une remise à plat du système, puisqu’il faudrait les renégocier une à une.
Pascal Saint-Amans n’exclut pas de recommander au G20 une convention multilatérale pour remplacer les traités existants.