En Arabie, l’internet menace les marieuses

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ées, le 4 février 2013 à Ryad (Photo : Fayez Nureldine)

[13/02/2013 12:12:16] RYAD (AFP) En Arabie saoudite où la ségrégation des sexes rend difficile toute rencontre avant le mariage, les sites internet menacent les marieuses traditionnelles pour ceux qui cherchent l’âme soeur ou veulent prendre une deuxième épouse, polygamie oblige.

Il y a désormais plus de 200 pages Twitter et des dizaines d’autres sites sur Internet proposant leurs services aux personnes des deux sexes à la recherche d’un conjoint, au grand dam des marieuses.

“Les sites électroniques affectent négativement notre travail. Mais ils ont recours à des noms d’emprunt et ne sont pas fiables”, déplore Oum Sami, une “marieuse professionnelle”.

Selon elle, beaucoup de ces sites se situent à “la limite de l’escroquerie” et certains s’apparentent même à “de la prostitution organisée”.

“Le mariage via les sites internet est voué à l’échec à cent pour cent”, déplore Oum Sami, pour qui la méthode traditionnelle a fait ses preuves.

Contactée, grâce au bouche à oreille, par les familles désireuses de marier leur fils ou leur fille, elle se rend dans les domiciles, présentant la photo du candidat au mariage –ou celle de la fille si elle y consent– pour lui trouver l’âme soeur.

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évrier 2013 à Ryad (Photo : Fayez Nureldine)

Pour un mariage contracté, elle touchera 2.000 ryals (530 dollars) de chaque partie. Le prix d’un mariage dit “misyar” (mariage de visite) est plus cher: à partir de 5.000 ryals (1.300 dollars) que payera l’homme seul. En échange, la marieuse est tenue de garder cette union confidentielle.

Car, selon la marieuse, il y a plusieurs “genres” de mariage en Arabie saoudite où les relations sexuelles, interdites hors des liens du mariage, prennent ces formes d'”unions”, souvent passagères.

Dans le type de mariage dit “misyar”, l’époux n’a pas à entretenir sa femme ou lui offrir un logement. Il peut, en vertu de ce contrat de mariage, rendre visite à sa femme dans son appartement mais continuer à habiter ailleurs, surtout s’il est déjà marié.

Ce sont surtout les femmes divorcées ou veuves, ou celles qui ne sont plus assez jeunes, qui acceptent de telles unions en raison des strictes règles de ségrégation des sexes: ainsi un homme et une femme non mariés risquent de se faire arrêter par la police s’ils dînent en tête-à-tête dans un restaurant ou s’ils sont seuls en voiture.

Les oulémas considèrent ce type de mariage licite en Arabie saoudite, mais les intellectuels et les militants des droits de l’homme le dénoncent comme une “forme d’adultère légalisée”.

Tout comme Oum Sami, les sites internet favorisent les unions traditionnelles et le “misyar”, et n’encouragent pas les autres formes de mariage temporaire moins orthodoxes, comme “Al misfar” pour ceux qui voyagent beaucoup, ou “Al Misfyaf” pour ceux qui passent des vacances d’été à l’étranger.

Amjad Ismaïl, un Saoudien d’une vingtaine d’années à la recherche d’une épouse, est hésitant. “Il y a tant d’offres que c’est tentant d’essayer, mais mes amis m’ont mis en garde contre certains sites qui peuvent être de véritables traquenards”, dit-il.

Car la plupart des sites demandent aux personnes intéressées de verser un acompte pour s’assurer de leur sérieux.

Quant à Abou Mohammed, un homme d’une quarantaine d’années déjà marié et qui a voulu chercher une deuxième épouse, il dit avoir eu “une mauvaise expérience” en donnant ses coordonnées à un site internet.

“Ils tentent de tirer avantage des personnes qui les contactent, surtout s’il s’agit de gens mariés”, reconnaît-il, avouant avoir fini par se rabattre sur une marieuse traditionnelle. “Au moins, elle a l’avantage d’être discrète”.

Pour le sociologue Abou Bakr Baqader, les jeunes gens ont désormais recours à l’internet “car c’est un moyen facile de faire connaissance”.

“Par le passé, les gens pouvaient faire connaissance à travers la famille ou les voisins”, mais cela est dépassé et les jeunes veulent “des moyens moins traditionnels de se rencontrer et échapper à l’ingérence des parents”, explique-t-il.