Equateur : la “révolution” de Correa a dopé la croissance mais l’économie reste fragile

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ésidentielle en Equateur, le 8 février 2013 (Photo : Rodrigo Buendia)

[14/02/2013 15:28:10] QUITO (AFP) Avec la renégociation des contrats pétroliers et de la dette extérieure, l’Equateur a connu une croissance record durant la “révolution socialiste” de Rafael Correa, favori de la présidentielle de dimanche, mais ce modèle est fragilisé par une forte dépense publique et des investissements étrangers en berne.

Le produit intérieur brut (PIB) de ce pays andin d’environ 15 millions d’habitants a enregistré une hausse de 4,8% en 2012, le meilleur résultat obtenu depuis l’arrivée au pouvoir de M. Correa, adversaire déclaré du néolibéralisme et partisan du renforcement du rôle de l’Etat dans l’économie.

Ce dynamisme s’appuie essentiellement sur la rente pétrolière du plus modeste membre de l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) avec une production moyenne de 504.000 barils de brut par jour, son principal produit d’exportation.

A l’image de ses alliés du Venezuela ou de Bolivie, M. Correa, un économiste de 49 ans formé à l’université américaine de l’Illinois, a accru les recettes de l’Etat en imposant en 2010 aux compagnies pétrolières un nouveau type de contrat qui lui réserve 80% de la rente contre 18% auparavant.

Le gouvernement se targue ainsi d’avoir, grâce à cette renégociation, évité la sortie de 2,5 milliards de dollars, une performance capitale pour ce pays qui fut contraint par une violente crise et une inflation galopante de dollariser son économie à la fin des années 90.

“Cela a permis de doubler les dépenses publiques de 25 à près de 50% du PIB en six ans, mais sans opérer de changements structurels pour l’appareil de production”, indique à l’AFP Jaime Carrera, directeur de l’Observatoire de la politique fiscale, dans un entretien à l’AFP.

La situation de l’emploi n’est en outre pas florissante avec un chômage de 5% et un taux de sous-emploi de 40% en décembre dernier, selon des chiffres officiels.

Les dépenses publiques ont permis de financer des travaux d’infrastructures et des programmes sociaux, dans les secteurs de la santé et de l’éducation, qui ont valu au président équatorien une popularité jamais démentie et une longévité inédite dans un pays réputé instable.

Toutefois, ces acquis “ne sont pas durables car il sont en grande partie le produit des prix élevés du pétrole”, signale Bernardo Acosta, expert économique au sein de l’Université San Francisco de Quito.

Depuis son élection, M. Correa a consacré 60 milliards de dollars aux dépenses sociales et prévoit d’injecter encore 40 milliards d’ici 2017 s’il remporte l’élection, hypothèse probable au vu de son avance d’après les sondages.

Pour faire face à la volatilité des prix du pétrole, et poursuivre sa politique sociale, le chef de l’Etat a aussi impulsé une politique de développement de l’exploitation minière à grande échelle, au risque de se froisser avec une partie de la communauté indigène qui y est opposée.

“Nous n’allons pas être des mendiants assis sur un tas d’or”, a pour coutume de répéter M. Correa, qui se félicite d’avoir fait baisser le taux de pauvreté à 16% contre 25,5% en 2009.

Sous son impulsion, l’Equateur a aussi desserré l’étranglement de la dette internationale qui représentait en 2008 près de 10 milliards de dollars, soit 19% du PIB. Invoquant des “irrégularités” au moment de sa négociation en 2000, il a ainsi obtenu des réductions allant jusqu’à 70%.

Mais ces renégociations imposées éveillent aussi la méfiance des investisseurs étrangers, une ressource dont bénéficie peu le pays andin. “L’investissement étranger est le point faible”, estime M. Carrera, en faisant valoir que dans ce secteur l’Equateur n’a reçu en 2012 moins de 1% des capitaux étrangers investis en Amérique latine.

Les nouveaux contrats pétroliers ont aussi rebuté certaines compagnies qui ont refusé d’être prestataires de service. Depuis 2006, l’américaine Oxy (Occidental Petroleum), la franco-britannique Perenco et son associé américain Burlington ont cessé d’opérer en Equateur, tandis que le géant brésilien Petrobras a résilié deux contrats en 2010.

Que M. Correa soit élu ou non dimanche, les perspectives économiques s’annoncent ainsi plus sombre en 2013 pour l’Equateur, la banque centrale prévoyant une décélération avec une croissance à peine au dessus de 3%.