évrier 2013 à Castelnaudary (Photo : Remy Gabalda) |
[16/02/2013 15:26:59] PARIS (AFP) Le scandale de la viande de cheval écoulée dans des plats préparés faussement estampillés “100% boeuf” a dévoilé au grand jour certaines pratiques douteuses des industriels de l’agroalimentaire, alimentant la méfiance des consommateurs à leur égard.
Pour 70% des Français, l’affaire ne constitue pas un accident isolé, mais révèle “une réelle détérioration de la qualité des produits alimentaires”, selon un sondage réalisé cette semaine par OpinionWay pour le cabinet Taddeo, Les Echos et Europe 1.
“Nous serons intraitables”, “ne ferons aucun compromis avec la tromperie”, et allons “durcir les pénalités liées à ce type” d’agissement: les trois ministères concernés, Consommation, Agriculture et Agroalimentaire, ont multiplié ces derniers jours les avertissements afin de rassurer l’opinion.
Les résultats de l’enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), mettant en lumière le parcours tortueux de la viande incriminée à travers l’Europe, sont sans appel: pour les autorités françaises, Spanghero, qui l’a fournie, savait qu’il revendait comme viande de boeuf du cheval dûment étiqueté.
Accusée de “tromperie”, l’entreprise a vu son agrément sanitaire suspendu le temps d’une expertise complète de ses procédures. Mais Comigel, le fabricant des plats dans lesquels la viande a été utilisée, est aussi accusé de “graves négligences”.
Au passage, les consommateurs auront appris qu’un même fabricant (Comigel) fournissait un même produit vendu sous de très nombreuses marques.
A ce stade, la DGCCRF estime que le trafic a concerné 750 tonnes de viande de cheval qui ont servi à la fabrication de plus de 4,5 millions de produits vendus par Comigel à au moins 28 entreprises dans 13 pays européens.
L’ampleur du scandale a contraint les industriels à réagir: conscients de la méfiance qui risque de s’installer, ils tentent de se refaire une virginité.
L’industrie alimentaire (Ania) assure qu’elle fera “dès la semaine prochaine” des propositions pour renforcer les contrôles existants. Et martèle que “le système (…) sanitaire français est l’un des plus fiables au monde avec, par exemple, 200 fois moins d’intoxications alimentaires qu’aux Etats-Unis”.
“Du rapide et du pas cher”
usine Spanghero de Castelnaudary le 23 juin 2011 (Photo : Remy Gabalda) |
De son côté, Findus, première marque touchée, a mis en place des tests ADN sur ses lots contenant de la viande.
Les professionnels de la viande suggèrent eux de “devancer la législation européenne en obligeant les fabricants de plats préparés à préciser sur leur étiquette l’origine des produits utilisés”. C’est ce que défend notamment Dominique Langlois, président d’Interbev, l’interprofession du bétail et de la viande.
Mais le problème ne vient pas que des producteurs. “La grande distribution veut toujours accroître ses marges et refuse d’augmenter ses prix pour ses clients”, explique Danielle Lo Stimolo, une responsable de Syndigel, la fédération européenne du secteur du surgelé (50 adhérents).
L’année 2012 est un bon exemple: “le prix de la viande de boeuf n’a pas arrêté de grimper (+12%, soit 50 centimes de plus) mais la grande distribution exigeait qu’on baisse nos prix” indique-t-elle.
Et les industriels, des PME ou TPE pour la plupart, sont contraints d’accepter ces conditions imposées par les distributeurs car ils ne peuvent pas s’en priver.
“C’est très compliqué pour les industriels parce que le client veut du rapide et du pas cher. Et quand on veut payer sa moussaka 2,50 euros on achète de la mondialisation”, souligne Bruno Parmentier, auteur de “Nourrir l’humanité”.
“On avait déjà eu de la mélanine dans du lait maternel en Chine, de l’huile de vidange dans de l’huile d’olive en Espagne et il y aura certainement des prochains coups”, prédit l’ancien directeur de l’Ecole supérieure d’agriculture d’Angers en appelant à “remettre des contrôles dans les usines et les cuisines”.
L’Etat a procédé à plus de 40.000 contrôles par an qui n’ont révélé que 4% d’irrégularités, se défend le ministre délégué à la Consommation, Benoît Hamon. “Mais il est aussi de la responsabilité des professionnels, inscrite dans la loi, de s’auto-contrôler”, insiste-t-il.
Réponse, peut-être mardi, à l’issue de la réunion sur le sujet entre les professionnels et le gouvernement.