Le tourisme attend sa révolution… Et la colère des hôteliers gronde (2)


tourisme_tunisie-16022013-l.jpgLa
crise du
tourisme date d’avant la révolution. Abandonné et malmené par ses
propres acteurs, il ne sert plus que de faire valoir aux politiques et périclite
dans l’attente de réformes qui ne viennent pas.

Essoufflée depuis plus de 15 ans à cause de produits démodés, de l’épuisement de
son hôtellerie et de ses politiques erronées qui ont terni la destination, la
Tunisie n’a pas su tirer profit du vent d’admiration qui a soufflé au lendemain
du 14 janvier. Sans moyens financiers ni les ressources humaines pour se
redresser, il agonise.

Si dans les couloirs du pouvoir, c’est peut-être l’avenir du tourisme qui est en
train de se jouer, c’est le quotidien de près de deux millions de Tunisiens qui
en vivent qui s’obscurcit. Leurs commerces ferment et les taxis devant les
aéroports vides d’Enfidha, Monastir ou Tozeur se font rares.

Malgré la colère qui gronde, pas un bien touristique ni «un touriste n’a été
touché parmi les 5 millions qui sont venus l’année passée» dans une Tunisie mise
à mal par la contestation sociale et un déficit sécuritaire profond.

Aujourd’hui, il ne s’agit plus de faire porter la responsabilité de l’héritage.
Même pourri, rien n’est fait pour le sauver.

Le torchon brûle entre les nouveaux pouvoirs et les professionnels, et 33
dossiers de corruption sont entre les mains de la justice. Le secteur privé voit
dans la gestion post 14 Janvier du tourisme une OPA sur le secteur et non une
occasion pour l’assainir et restructurer.

La création d’un fonds de retournement dont la vocation est d’acheter les
créances impayées du secteur bancaire sur le secteur du tourisme (1.200 millions
de dinars et portant sur 142 hôtels sur 630 classés) en vue de les restructurer,
crée la controverse. Un projet de loi va passer dans les semaines prochaines au
palais du Bardo après sa validation au cours d’un Conseil ministériel restreint
(CMR).

Ridha Taktak, chargé du dossier de l’endettement à la
Fédération tunisienne de
l’hôtellerie
(FTH), estime que le fin mot de l’histoire est le sacrifice du
tourisme au profit du secteur bancaire.

Les hôteliers se sont réunis la semaine dernière pour en parler. L’hôtelier
Habib Bouslama a appelé à créer une cellule de crise et à solliciter les
autorités pour arrêter cette procédure qui aura un impact négatif sur la
profession et notamment sur l’emploi.

Un autre hôtelier a précisé que «les banques n’ont jamais respecté la
réglementation bancaire et ont contribué à cette inflation des dettes».

Les hôteliers s’alarment et veulent alerter quant aux répercussions de cette
société de gestion d’actifs. Les hôteliers espèrent l’abandon de ce projet.

Leur crainte est que ce fonds ne se transforme en “fonds vautour“. Pour Laurent
Gonnet, en charge de ce dossier, ce sont principalement le gouverneur de la
Banque centrale de Tunisie
(BCT), les ministres du Tourisme et des Finances qui
ont à cœur de trouver une solution équilibrée qui permette d’atteindre une
solution la meilleure pour les deux secteurs. Exclus de cette négociation, les
professionnels ne l’entendent pas de cette oreille.

Quelles sont alors les garanties pour que ce «renouveau» souhaité ne soit pas
téléguidé par des visées d’ordre politique ou idéologique? Comment garantir que
l’hôtellerie tunisienne ne subisse pas les affres d’une forte prédation?

Laurent Gonnet estime que «les garanties se trouvent à plusieurs niveaux. Tout
d’abord, la résolution de la dette ne fera pas tout. Il faut rassembler toutes
les autres conditions au redécollage du secteur. De ce point de vue, il est
important que le secteur du tourisme soit guidé par une vision stratégique.

Beaucoup d’observateurs s’accordent sur deux points, dont la nécessité d’ouvrir
le secteur sur de nouveaux créneaux (tourisme culturel, éducatif, de santé,
sportif, religieux, etc.) et la possibilité pour des compagnies aérienne «low
cost» de pouvoir faire escale à Tunis. Il y a d’autres domaines qui méritent une
attention comme la réglementation sectorielle ou la réforme de l’ONTT.

Si ce fonds voit le jour, il devra être le plus transparent possible. Son mandat
devra être exprimé dans une loi, sa gouvernance devra être la plus
professionnelle possible, tout comme ses méthodes de travail.

Le fonds devrait aussi rendre des comptes au peuple tunisien, selon une forme
qui serait la mieux adaptée au contexte du pays. Si tous ces éléments sont mis
bout à bout, alors on pourra dire que la Tunisie a mis en place toutes les
garanties du succès du sauvetage du secteur.