Les «faucons» persistent et signent, ils disent «niet» à l’initiative du gouvernement des technocrates. Haro sur la stabilité. Menace sur la transition démocratique.
Le pays n’a pas vécu un week-end sabbatique, les 16 et 17 février. Il y a d’abord eu le meeting d’Ennahdha sur l’avenue Bourguiba, le samedi 16 et son écume de colère. Puis dimanche 17, les “réunions de guerre“ des bureaux politiques des principaux partis où les chefs ont remis en surface l’attachement aux intérêts étroits de leur parti.
Malgré la cacophonie qui a dominé, le clivage traditionnel s’est figé. La bipolarisation s’incruste. La crispation des partis au pouvoir à leurs intérêts confirme bien que, malgré l’effervescence, les lignes n’ont pas bougé. Nous sommes bien dans une guerre de positions.
Au bout du compte et malgré les gesticulations, le contexte demeure inchangé. Dans cette perspective, la crise finira-t-elle par tourner au bras de fer entre les deux camps?
La danse de la mort autour de Hamadi Jebali
Samedi 16, grande parade d’Ennahdha sur l’avenue Bourguiba. Après une semaine passée à battre le rappel, les «faucons» se sont trouvés en mal de mobilisation. A peine 60.000 participants selon les statistiques du ministère de l’Intérieur. De ce point de vue, la « Mallyounia» n’a pas réellement fait le plein des troupes. C’est à se demander si les choix des ultras au sein d’Ennahdha font encore recette.
Si donc l’affluence n’était pas à son top niveau, la détermination à «abattre» Hamadi Jebali était à son comble. La «Malloyounia» ne lui était pas qu’hostile. On a dépassé le stade de la simple mise à l’index, pour aller vers une fixation sur le personnage. L’initiative est perçue comme un casus belli car les ultras la vivent comme une éviction. Portés par les unes, on y est. Quel que soit l’aveu d’échec, on est déterminés à y rester, la “messe“ est dite, à leur manière, après ce week-end de concertation.
Les ultras d’Ennahdha et à leur tête leur président regardent l’initiative du chef du gouvernement comme un double coup de couteau dans le dos. En montant au filet, Hamadi Jebali arracherait les rênes du pouvoir à leur détenteur actuel, cheikh Rached. Et puis le voilà qui se plaît à marcher dans les pas de BCE. Des compétences apolitiques, sans casier et sans volonté de réélection, c’est la méthode BCE. Or, ce qui déplait, ici, ce n’est pas tant l’acte de mimétisme que les retombées sur ce qui reste à écrire dans la Constitution, c’est-à-dire les libertés et le régime politique.
Les «durs» d’Ennahdha regardent HJ comme un pestiféré. Il veut aller vers la démocratie, eux se cramponnent à la révolution. Les positions sont antinomiques. Mais personne n’est dupe, on comprend que derrière cette volonté de «crucifier» l’auteur, au sens figuré on l’aura compris, et de désintégrer son projet, se cachent des enjeux vitaux.
Alors, jusqu’où ira l’affrontement?
Y aura-t-il un 2 mars 1934 bis?
Hamadi Jebali est fixé sur la réponse, des «siens» et de leurs proches, à son offre. La réunion de ce lundi devient quasiment sans objet. S’il ne jette pas l’éponge et continue dans cette voie de la dernière chance, il faudrait qu’il soit assuré d’avoir, du beau jeu, du concret. Sinon, en toute bonne foi, on lui pose la question, à quoi il sert de jouer avec les nerfs du bon peuple?
Deux scénarii sont probables. Où, en véritable chef, il parvient à rallier un bon groupe de fidèles comme Bourguiba le 2 mars 1934. Dans cette hypothèse, avec l’appui de l’opposition, il fait émerger une nouvelle majorité à la Constituante. Sinon, pour que sa démission ne tourne pas au hara kiri, qu’il dise à l’opinion les vrais dangers qui guettent la marche de la transition. Sans quoi, son coup d’éclat n’aura été qu’un baroud d’honneur et l’histoire le regarderait comme un petit «desperado». Il joue non pas sa carrière mais ce qu’il en restera dans le subconscient national.
La révolution Versus la Démocratie
Au final, l’on se dit qu’Ennahdha s’est trompée d’ennemis. Ses véritables pourfendeurs ont été Houssine Dimassi et le martyr Chokri Belaid. Le premier a démontré en sacrifiant son portefeuille de ministre des Finances que les partis au pouvoir sont obsédés par leurs intérêts électoraux, au point de sacrifier les priorités nationales. Le second a démontré en payant le prix du sang que la crispation autour de la révolution n’était qu’un paravent à un projet conservateur, d’une certaine façon totalitaire et violent. D’ailleurs, son mémorial a été profané quelques instants seulement après avoir été érigé.
L’opinion est fixée. En cas d’un nouveau gouvernement “politique“, on aura l’immobilisme et pas la stabilité. Et, le parlementarisme dans la situation de notre pays reproduirait le schéma du parti-Etat. Malgré le pluralisme, le parti dominant sera hégémonique et régnera sur l’Etat.
La situation est grave. L’air de rien, cette crise tourne à la mère des batailles pour la démocratie. Merci Hamadi Jebali de l’avoir mis en évidence.