Avec ses compagnons de route d’Ennahdha, Néjib Chebbi et accessoirement Maya Jribi, c’est à la vie, à la mort. Et comme il n’ y a pas d’amour, mais que des preuves d’amour… Néjib Chebbi a tenu à en offrir à ses associés de lutte depuis toujours. Cela s’est passé lors de la réunion tenue lundi 18 février par Hamadi Jebali, chef du gouvernement et visant à clôturer les négociations concernant la constitution d’un gouvernement de technocrates.
Lors du petit mot diffusé sur toutes les chaînes de télévision, le chef du gouvernement n’affichait pas la grande forme, plutôt un air désabusé et désillusionné. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il nous a fait la tirade de : « Rien que parce que cette initiative a évité à la Tunisie un bain de sang suite à l’assassinat de Chokri Belaïd, j’estime qu’elle a du mérite » et annonçant qu’il allait voir le président de la République mardi 19 pour lui exposer les faits et avoir son feedback.
Les militants virulents du parti au pouvoir n’ont pas pu attendre pour crier victoire et tout de suite après, les cris triomphants transperçaient la toile pour aller se loger en plein dans les cœurs de Tunisiens qui ont cru que leur chef du gouvernement avait le pouvoir de décider par lui, pour eux et pour la Tunisie. Des Tunisiens qui pensaient que ceux qui avaient tranché pour être dans l’opposition, après le 23 octobre, pouvaient tenir des positions cohérentes, respecter l’intelligence du peuple et surtout les idées qu’ils ont toujours prétendu prôner.
Seulement voilà, authentifiant une affirmation arrivée de loin « Votre leader démocrate s’est aplati », Néjib Chebbi est arrivé stoïque à la dernière réunion et a laissé sa Maya annoncer de sa petite voix très « opposante et patriotique » la mort des espoirs de 73% de Tunisiens qui voyaient leur salut dans un gouvernement de technocrates.
Des témoins sur place racontent : « quand le chef du gouvernement a démarré son speech par un rappel des débats précédents et en guise d’introduction à celui du lundi faisant référence aux trois positions prises par rapport à son initiative, à savoir : le refus total, le soutien d’une partie des composantes politiques ou l’appel à la modération et au consensus prôné par Néjib Chebbi. Offre qui rejoindrait une réflexion d’ores et déjà faite par une partie des leaders Nahdhaouis défendant la thèse de 30% de politiques et 70% de compétences nationales et à laquelle Me Chebbi, semble-t-il, fut associé… Maya Jribi a pris la parole rétorquant au chef du gouvernement : « Pourquoi débattre de nouveau, il faudrait prendre le bâton au milieu et accepter une solution médiane, à savoir un gouvernement d’union nationale ? ». Maya Jribi qui n’avait pas assisté à une réunion de coordination, tenue le jour même par l’alliance des 5 partis démocratiques, a été rapidement soutenue par Mohamed Goumani -ex-alliance démocratique- auquel on avait auparavant promis le poste de ministre de l’Education. Elle a été aussi applaudie par Rached Ghannouchi qui renchérit : « dommage que si Hamadi n’ait pas pris l’initiative d’ouvrir un débat national au lendemain du 23 octobre. Que de temps perdu… mais nous félicitons la position du Joumhouri qui joue un rôle modérateur louable ». En effet, mieux vaut tard que jamais…
Fidèles à leurs principes aussi bien Al Massar que Nidaa Tounes ont maintenu leurs positions exprimées dès le début des négociations : nous appuyons un gouvernement de technocrates. Béji Caïd Essebsi acide a déclaré : « Puisque les dès sont jetés, point besoin de discussion mais je ne quitterai pas la salle par respect pour l’assistance ». Quant à Kamel Morjane, fidèle à lui-même, il a opposé une attitude neutre toute diplomatique.
Ce qui est surprenant dans cette nouvelle mascarade que vient de vivre la Tunisie est que depuis des mois, le chef du gouvernement proposait un gouvernement d’union nationale, que Néjib Chebbi a toujours refusé d’intégrer. On lui avait proposé le poste de ministre des Affaires étrangères, il a prétendu qu’il mérite plus et mieux. Alors pourquoi ce virage soudain ?
Il est vrai que lorsqu’on a partagé avec le cheikh un acte aussi hautement spirituel qu’un pèlerinage, on ressent toujours une obligation morale pour lui. Mais la question qui se pose aujourd’hui est quel est le poids que représente la Tunisie, la mère patrie lorsqu’en face le paradis terrestre s’offre sous forme de promesses d’investiture suprême ainsi que celui de l’éternel béni par un Cheikh qui milite pour la conquête d’un pays pas suffisamment « musulman » et qui se « sacrifie » pour mener un peuple de mauvais musulmans vers la voie du salut.
Serait-elle celle de la wahhabisation ?