Les montagnards, paysans et ruraux de Kroumirie ne jurent, ces jours-ci, que par les associations d’obédience islamique qui se sont bousculées sur les routes montagneuses sinueuses encore éventrées par les glissements de terrain de l’année dernière, pour apporter une aide généreuse aux déshérités, devenus par la force des choses des Nahdhaouis.
Au départ de cet élan de solidarité bien ciblé, la chaîne El Moutawassit, deuxième organe des nahdhaouis après la chaîne Azzaytouna, qui a défriché le terrain en attirant l’attention, par le biais de reportages, sur la situation précaire de certains foyers, avant de donner leurs coordonnées aux associations caritatives.
Le reste du travail a été accompli par les structures et antennes nahdhaouies locales. A titre indicatif, les associations dépêchées dans ces contrées ont été encadrées et orientées par la délégation spéciale nahdhaouie de Ben Metir, de membres des ligues locales de protection de la révolution, de cadres et d’anciens détenus politiques nahdhaouis d’Ain Draham et de Fernana.
Ces associations ont mis à profit la vague de froid qui sévit en cette période pour sillonner douars et villages collinaires, et apporter, à de pauvres gens éternellement affamés, des aides en espèces et en nature, et parfois les deux à la fois.
Ces aides sont assez significatives. Il s’agit de sommes d’argent en liquide (100 à 200 dinars, je dis bien 100 à 200 dinars), réfrigérateurs, postes de télévision, réchauds à pétrole, matelas, machines à laver, couvertures dans l’emballage, salons et autres équipements, importantes quantités de denrées alimentaires (5 kg de pâtes alimentaires, 5 kg de tomates concentrés, 5 litres d’huile végétale, jus de fruit, savons, thé, sucre…).
Les bénéficiaires ont été sélectionnés par les représentants locaux nahdhaouis sur la base non pas de leur indigence et le degré de pauvreté mais en fonction de leur parenté clanique et loyauté indéfectible aux chefs locaux d’Ennahdha.
Conséquence : ces aides nahdhaouies ont créé, certes, de la joie et de la satisfaction dans certains foyers, mais en même temps, elles ont frustré d’autres et troublé leur existence.
Les responsables de ces associations ont refoulé sans ménagement des pauvres venus réclamer pour ne pas dire quémander, pour leurs douars et pour eux-mêmes une partie de ces aides tentantes.
Le ridicule dans cette affaire est le comportement des bénéficiaires. Ces derniers, n’étant pas habitués à l’électroménager (leurs foyers ne sont pas alimentés en électricité) et à d’autres produits (jus de fruit, et concentrés…) se sont empressés le lendemain pour les revendre au plus offrant au souk hebdomadaire d’Ain Draham.
C’est pour dire que ces aides, aux relents politiques, ont eu tout juste un impact improductif en divisant les pauvres nahdhaouis et des pauvres non nahdhaouis.
C’est pour dire, aussi et surtout, qu’au moment où les dirigeants d’Ennahdha et leurs sbires s’emploient, à Tunis, à mettre à genoux politiquement et économiquement le pays, des associations évoluant dans le sillage du parti religieux font du social dans les zones rurales du nord-ouest.
Selon un subtil partage des rôles, les associations sociales, accompagnées par des chaînes de télévision à leurs services, se démènent dans le monde rural pour acheter, au prix fort, les consciences de pauvres gens analphabètes, affamés et déshérités à des fins électoralistes.
Moralité : en cette période où le pays saigne et connaît des heures très graves, Ennahdha est en pleine campagne électorale –avant l’heure- dans le monde rural.