Qu’est-ce que le tourisme hallal? Sans chercher à réinventer le monde du tourisme, il s’agit de s’adapter à une demande éthique qui rapporte de l’argent. Un hôtel «hallal» est un établissement touristique livrant des services vertueux et respectueux de l’Islam. Il repose sur la non-mixité, l’interdiction de vente et de consommation d’alcool et des jeux de hasard. Les espaces privatifs adaptés aux familles y sont nombreux et l’usage des téléphones portables avec appareils photos intégrés sont fortement surveillés.
En moins d’une décade, toute une littérature, des médias, des agences de voyage, des circuits de distribution et des labels «hallal» sont créés.
Les »Awards Hallal Friendly» rétribuent l’aéroport de Francfort ou le Fairmont de Singapour. A New Yok, Vancouver ou Dubaï, ce sont les étages «Women only «qui se multiplient. Les Spa à Phuket séparent les femmes des hommes, et les Maldives sont obligées d’en fermer près d’une centaine sous la pression des islamistes qui estiment que ces lieux sont des lieux de prostitution.
En Turquie, l’offre hôtelière «hallal» est passée de 2 hôtels en 2000 à plus de 45 hôtels en 2010, et la destination a réussi à créer un marché et à en capter en moins de 5 ans plus de 1,700 million de touristes iraniens.
De quoi se demander si cette tendance est une tendance lourde dans le tourisme mondial, une innovation qui reste confidentielle ou un nouveau modèle qui émerge alors qu’un plus vieux et classique s’épuise?
Loin d’être encore tranchée, ce tourisme répond à une demande internationale et plus particulièrement aux besoins des diasporas maghrébines. Le touriste tunisien se laisse-t-il tenter par cette mode? Ennahdha au pouvoir veut-elle l’y mener?
La question est aussi complexe que ce que vit le pays. Les médias autant que les responsables politiques et opérateurs économiques n’arrivent pas à prendre en compte cette complexité.
Le tourisme n’est pas le seul sujet pour lequel prédomine une dichotomie noir-blanc. Dès que l’on parle de l’islam, il y a soit une forte dimension d’hostilité ou un fort enthousiasme. Cependant, sans ressources énergétiques, la Tunisie ne peut vivre sans. Garant de son ouverture, il est un paramètre immuable avec lequel il faudra composer.
De leur côté, les professionnels tunisiens sont aussi légèrement débordés par cette évolution. Si certains ont tranché la réponse en s’opposant à l’interdiction de l’alcool ou l’accès des piscines aux voilées pour des raisons d’hygiène, d’autres en ont fait un atout marketing et multiplient les services à une clientèle qui se dévoile et affûte au fil des vacances sa demande face à une clientèle européenne qui observe.
Dans certains cas, les réactions sont violentes et le spectacle de “touristes musulmans pieux et pratiquants“ se livrant à une prière collective dans un «lobby» d’hôtel déroute le personnel, dérange l’administration qui ne veut trancher la question et agace les touristes d’autres confessions.
Pour le moment, deux mondes s’observent sans s’affronter. Agacés, ils se côtoient encore. Pourront-ils cohabiter ?
Pour autant, Hamadi Jebali, le chef du gouvernement, déclare qu’«il n’y a pas de tourisme “hallal“ ou “haram“. Il ya du tourisme c’est tout!» Une déclaration qui sème le doute dans les esprits des observateurs qui y voient un repli politique ou un double discours?
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