Nous pataugeons en plein dans la crise. Toute la nation est prise de «douleurs». Nous avons été éduqués, depuis presque 60 ans, dans des régimes politiques qui frisent «l’idéal»! Nous avons eu pendant presque 60 ans un journal télévisé de 20H00 qui ressemble étrangement à un plat réchauffé. Même pas un fait divers. Alors, quand la crise arrive, et elle est là depuis le mois d’octobre 2012, nous avons peur.
En fin de compte, la démission de Hamadi Jebali est un acte politique «normal» surtout dans une démocratie naissante. D’autre part, Hamadi Jebali n’est autre, jusqu’à maintenant, que le secrétaire général du parti Ennahdha. En tant que tel et en tant que chef du gouvernement depuis décembre 2011, il est le premier responsable, avec les trois chefs de la Troïka au pouvoir, du bilan de cette deuxième phase de transition qui s’est arrêtée brutalement le 6 février, jour de l’assassinat de Chokri Belaïd.
Le bilan est négatif! De l’aveu même de Jebali. Les partisans de la Troïka veulent bien lui trouver quelques réussites, c’est dans l’ordre des choses. Mais les analystes politiques, locaux et étrangers, s’accordent à dire que la majorité au pouvoir c’est trompée sur la nature de la phase que vit le pays et s’est comportée comme tenant un mandat «normal» qui l’a fait dévier de ce à quoi elle a été élue par le peuple, à savoir rédiger la Constitution et mettre en place les institutions à même de préparer la mise ne place d’un nouveau régime politique.
Le nouveau gouvernement, qui sera piloté obligatoirement par et avec Ennahdha, est devant deux choix. Soit il procède à une refonte de son programme politique à partir du constat fait par Jebali, soit mu par les même reflexes de Montplaisir, ceux de la «légitimité des urnes» du «parti majoritaire» dans le pays et par les arrières-pensées électoralistes de la bande à Ghannouchi. Il n’ya pas d’autres solutions.
Les alliances en perspectives, avec l’ancienne Troïka ou même avec des nouveaux arrivants, n’y changent pas grand-chose.
Le parti islamiste est au centre de toute cette première crise gouvernementale. Le pays et le peuple, en plus de la société internationale qui a les yeux braqués sur la Tunisie, le jugeront selon ce qu’il fera. Ennahdha nous a bien vendu l’exemple turc de l’AKP lors de la campagne électorale, mais, comme tous les adeptes de l’idéologie des Frères musulmans, il s’est révélé pas encore mûre pour se transformer en parti de pouvoir.
Il patauge entre les tenants de l’islamisation de la société -directement ou par étapes- et ceux qui croient qu’un mélange est possible entre islam et modernité. Il patauge entre les tenants d’une école musulmane tunisienne malékite, modérée et ouverte, et les nouveaux wahhabites sous influence «khaliji» avérée. Ennahdha est, comme l’a écrit si bien Abou Yaarob Marzouki, héritier d’une école d’authenticité à qui manque le modernisme, celle d’Abdelaziz Thaalbi en fin de compte, et il a en face les tenants d’une école de modernisme à qui manque peut-être une dose d’authenticité, celle d’Habib Bourguiba.
L’enjeu est aujourd’hui là . Quelle sera la réponse d’Ennahdha? Le titre sera déjà le nouveau chef de gouvernement! À Suivre.