Libéré ou «sous surveillance», Hamadi Jebali, au lendemain de son refus de reprendre la tête du gouvernement, se rend au Marché de gros de Bir El Kasaa. Au programme: bain de foule et poignées de mains. L’homme dont la parole s’est libérée enfin a pris de la stature après son initiative de créer un gouvernement de technocrates, en se démarquant de son parti et en démissionnant. Fort de son «Mea Culpa» et moins isolé que les quelques mois où l’on ne le voyait et écoutait qu’en doses homéopathiques, voici donc un homme confirmé, qui se soucie des préoccupations quotidiennes des populations.
Hamadi Jebali ne perd plus de temps et son geste, alors qu’en même temps le nom du nouveau chef du gouvernement se décidait dans le cadre du «Majliss Echoura», en dit long sur un pays en dérive où tout se dédouble. Alors que Majliss Echoura prend le dessus sur l’ANC et nomme Ali Laryedh -ministre de l’Intérieur- comme le nouveau chef du gouvernement, Hamadi Jebali le devient enfin en démissionnant.
Acclamé, il est regretté par ceux qui le critiquaient hier. Par ses positions au lendemain du meurtre de Chokri Belaid le 6 février, il a démontré qu’il était devenu rassembleur et un peu plus populaire. Il pourrait devenir incontournable pour l’avenir s’il parvenait à continuer à vraiment peser en dehors ou en récupérant l’aile “des pigeons“ de l’appareil nahdhaoui sans se faire plumer.
Hamadi Jebali est-il déjà en campagne présidentielle? Il est évident qu’il est bien trop tôt pour le dire et tout dépendra de la date et du mode des élections qu’il n’a cessé de réclamer dans toutes ses déclarations. Il a d’ailleurs souvent appelé à ce qu’elles se déroulent sous le contrôle d’instances internationales.
Alors que les observateurs voient en ce revirement de situation une vraie tentative de sortir par la “moins petite“ porte possible, d’autres estiment que bien au contraire il rentre dans une autre phase par la grande. En s’accusant et s’excusant de l’échec, Hamadi Jebali éponge la déconfiture de son parti et l’assume entièrement. Alors que l’échec est celui de son gouvernement, de la Troïka et principalement d’Ennahdha, l’assumer en ferait-il sa propre réussite?
Dans les couloirs, on dit que la démission de Hamadi Jebali est dictée par sa conscience et sa conviction que sa feuille de route est la seule qui puisse sortir le pays de l’engrenage dans lequel il se trouve. Il n’en reste pas moins vrai que rester autour du pouvoir aurait détruit toute cette nouvelle crédibilité acquise et aurait brûlé son nouveau statut.
En restant loin ou en étant tenu éloigné du pouvoir, il fait non seulement oublier ses échecs et se représente retapé, voire le moins entamé possible. Hamadi Jebali a surtout servi à faire sortir Ennahdha bien plus revigoré qu’il n’y a quelques semaines, notamment en impliquant tout le monde devant l’échec et de façon égalé. Or, les responsabilités, pour la situation et l’échec, ne sont absolument pas partagées de la même manière par le gouvernement, les partis de la Troïka, les partis de l’opposition, les médias et les partenaires sociaux… Hamadi Jebali a, pour le moment, raison sur une chose : le pays a besoin de plus de sagesse et de pragmatisme pour affronter l’avenir. …