Ces temps-ci, les Tunisiens, confrontés à un climat peu clément et handicapés par un pouvoir d’achat détérioré à l’extrême, ne sont plus tentés de sortir pour décompresser et se divertir. Ils préfèrent renter chez eux, le plus tôt possible, pour suivre les informations ou un match de football.
Seulement, même chez eux, ils ne trouvent pas leur compte. Ils passent, le plus clair de leur temps, à zapper dans l’espoir de trouver un spectacle un programme à même de noyer leur inquiétude. Déprimés, certains d’entre eux se rabattent sur les bandes dessinées (Tom & Jerry…) ou sur les chaînes à vocation écologique (National Géo, Animaux, Seasons, Escales, Chasse et pêche, Planète-Thalassa, Ushuaia…). D’autres plongent leur angoisse dans la consommation de toutes sortes de drogue.
A l’origine de cette situation: la platitude des médias, essentiellement. Les plateaux radiophoniques et télévisés locaux, en dépit de leur diversité et de leur nombre croissant, n’arrivent pas à accrocher des Tunisiens usés et désabusés. Ils cultivent l’art d’être, particulièrement ennuyeux, et ont tendance à devenir répulsifs et lassants.
Fortement angoissés et traumatisés par la violence politique avec comme point d’orgue, les découvertes des caches d’armes et les assassinats de Lotfi Nagdh et Chokri Belaid; auditeurs et spectateurs, assoiffés d’informations et d’analyses à même de les aider à mieux comprendre et à se forger une idée sur leur intention de vote, se trouvent livrés à eux-mêmes.
Confrontés à cette dépression généralisée, les psychiatres ont lancé un SOS pour attirer l’attention sur l’augmentation du nombre des Tunisiens traumatisés.
C’est ainsi que Rim Ghachem et Soufiane Zribi, étaient les invités, jeudi 21 février, de Wassim Ben Larbi dans le cadre de “La matinale Expresso“. Au menu: l’augmentation du nombre des Tunisiens traumatisés après la révolution.
En effet, selon Rim Ghachem, chef du service des consultations externes et de l’hôpital Razi, en 2012, le nombre des consultations à l’hôpital s’est élevé à 150.000, soit 25% de plus par rapport à l’année 2011.
Interviewé par Radio Express Fm, Mme Ghachem a ajouté que le Tunisien est devenu de plus en plus irritable après la révolution. Elle a soutenu que si en 2011 la plupart des patients étaient des policiers, en 2012 ce sont plutôt les enseignants et les cadres paramédicaux qui sont les plus affectés par les dépressions en raison de l’absence de sécurité dans les établissements scolaires et hospitaliers.
Elle a révélé que les femmes sont les plus affectées par ces traumatismes et que le nombre des consultations, après l’assassinat du leader Chokri Belaid, ont sensiblement augmenté.
Pour sa part, Soufiane Zribi, président de l’Association des psychiatres d’exercice privés, estime que le nombre des Tunisiens traumatisés ne cesse de croître. Cette augmentation est perceptible à travers l’accroissement du nombre des Tunisiens qui consomment les drogues douces et autres (boissons alcoolisées, calmants, antidépresseurs, cannabis…).
Décryptage: ces nouvelles tendances de consommation risquent de générer, si rien n’est fait pour y remédier, ultérieurement un coût très élevé en matière de santé publique et de sécurité.
Parallèlement, ces mêmes tendances viennent illustrer de manière éloquente l’échec des discours politiques et médiatiques. Ces derniers n’ont pas su créer de l’espoir et ouvrir des perspectives existentielles acceptables en cette période de doute généralisé.
Les responsables sont les animateurs et leurs invités politiques; les deux ayant en commun de monopoliser l’espace médiatique.
Les animateurs les plus brillants, on les retrouve jour comme de nuit sur les plateaux des radios et des télévisions, et toujours les mêmes…
Ces animateurs, qui sont très brillants et très professionnels, sont handicapés par leur petit calepin. Pour preuve, ils invitent presque toujours les mêmes personnalités politiques au point de les rendre repoussantes. La palme d’or revient à Slaheddine Jourchi, Houcine Jaziri, Samir Bettaieb, Nejib Chebbi, Hamma Hammami…
A force d’inviter les mêmes, les animateurs et autres journalistes, par paresse intellectuelle évidente, sont en train de créer inconsciemment une nouvelle pensée unique.