Les temps sont durs pour la Tunisie et le sont tout autant pour son tourisme ! Après avoir servi de faire valoir et d’épée de Damoclès aux deux gouvernements successifs après le 14 janvier 2011, le voici, depuis l’assassinat de Chokri Belaid, encore plus objet de manipulations via des déclarations catastrophiques soutenues et répétitives pour faire peser plus de pressions qui ne servent finalement qu’à davantage plomber un secteur agonisant.
C’est en fait au lendemain du reportage «d’Envoyé spécial» que s’est accentué le bal des communiqués des Fédérations professionnelles du tourisme (FTH et FTAV) qui se voulaient une plaidoirie promotionnelle du tourisme réclamant un regard plus objectif et réaliste sur le tourisme tunisien afin de relancer les réservations qui enregistraient une très forte baisse au départ de la France.
Le 12 février 2013, le président de la FTAV, Mohamed Ali Toumi, confirmait cette tendance. Des Tours Opérateurs (TO), opérant sur la destination Tunisie, procèdent à des annulations de leurs réservations et demandent des remboursements pour les vacances de Pâques (mars/avril. Il précise que cette situation n’est pas due seulement à l’assassinat du dirigeant politique Chokri Belaid mais aussi aux «tensions enregistrées récemment entre la Tunisie et la France».
Des tensions qui se sont exprimées via des drapeaux français présentés avec un pied dessus dans une manifestation, des propos d’une députée d’Ennahdha à l’ANC qui s’en prend à Valls suite à sa dénonciation du “fascisme sous couvert d’islamisme“, des propos haineux qui sont tagués sur les écoles françaises, une réaction vive de l’exécutif tunisien… Des images qui sont bien loin de véhiculer l’image d’un pays ouvert et tolérant à l’heure où tout circule librement et rapidement sur Internet et à un moment où la destination Tunisie n’arrive pas encore à se relever des répercussions de l’attaque de l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique en septembre 2012.
Le 23 février, Mohamed Ali Toumi en remet une couche en déclarant, dans une interview accordée au journal Al Asharq Al Awsat que 25% des réservations vers la Tunisie ont été annulées cette année, en comparaison à la même période de l’année 2012. Parmi ces annulations, 60% d’entre elles ont été effectuées par des vacanciers français.
Faut-il lui en vouloir pour pareilles déclarations ou lui réclamer de taire l’agonie d’un secteur à l’arrêt ou ne continuer à tirer les sonnettes d’alarmes les unes derrières les autres? Il va de soit que ce n’est nullement l’objectif mais peut-être serait-il temps de se demander s’il y a une autre façon de faire? Une autre manière de se battre et d’agir? Que peut une fédération professionnelle pour tenter de sauver les meubles et lutter pour la survie de son propre secteur dans un contexte aussi complexe? Que peut-elle avec une gouvernance plus autiste que révolutionnaire et qui refuse de voir et d’écouter?
Ne suffit-il plus de dire que le tourisme ne va plus, car c’est un fait, plus rien ne va!
Le tourisme autant que plusieurs autres secteurs est plombé par une situation politique et sécuritaire très délicate. Aussi, serait-il utile d’arrêter avec cet esprit négatif car à force d’appeler au malheur, il arrive au galop. En économie, il y a ce qu’on appelle les conditions auto-réalisatrices qui, dès lors qu’on annonce une catastrophe, elle tend à se réaliser. Cela ne va assurément pas encourager quiconque à aller dans un pays où on annonce, pour le moins, une saison catastrophique et pour le pire, une guerre civile!
La naïveté et l’amateurisme ont déjà coûté cher au pays. Sauf que désormais, et depuis le 14 janvier 2011, nous devrions avoir appris de nos erreurs et acquis un peu plus d’expérience. Il est absolument vital de casser le cercle vertueux qui bloque toutes les initiatives et de renverser la vapeur. La nature a horreur du vide et il faut reconstruire une image positive de nous-mêmes et de la destination. Plus facile à dire qu’à faire!
Tous les jours et au travers d’un café serein bondé de jeunes gens en bord de mer à Hammamet, en plein méga soirée animée par une vedette internationale et près de 1.000 convives dansant et chantant, dans l’enceinte d’une salle de théâtre archicomble ou au cours d’une manifestation pacifique, les Tunisiens et Tunisiennes se battent pour que vivent les libertés et les valeurs universelles.
Aux professionnels du tourisme de faire de même et de se battre pour montrer qu’hier et demain, la destination vit et résiste. Pourquoi ne pas organiser un méga concert sur la plage de Hammamet? Pourquoi ne pas faire une veillée aux lumières des bougies pour appeler au retour des touristes? Pourquoi ne pas enregistrer un disque en plusieurs langues pour dire que le pays reste et restera une destination incontournable dans le bassin méditerranéen? Pourquoi ne pas…
N’est-il pas venu le temps de remplir le vide sidéral? N’est-il pas le moment de reprendre les choses en main et de résister comme le font tous les Tunisiens et Tunisiennes car la destination, avant d’appartenir aux touristes, appartient aux Tunisiens d’abord, et sera, entre autres, l’œuvre de ce qu’ils en feront.
Où sont les initiatives? Pour le moment, il y en a quasiment pas!
Le tourisme tunisien n’a-t-il pas perdu assez de temps comme cela? N’avons-nous pas participé à tuer la poule aux œufs d’or? Que peuvent seules les fédérations et les professionnels qui sont en train de couler sous les charges salariales à payer, sous les dettes à honorer, sous les taxes à payer alors qu’ils sont quasiment à l’arrêt depuis près de deux ans? Seuls, ils ne peuvent rien mais avec toutes les forces vives du pays, tout peut redevenir possible.
Pour Yors Nefzaoiui, il ne fait aucun doute que «c’est un cercle vicieux… Je subis l’incompétence de tout un système. Accuser une partie ne fera pas gloire à une autre. Ce que je peux dire, c’est que la FTAV est la seule qui soit en train de bouger et maintient un bras de fer pour garantir le minimum de nos acquis. Maintenant quid du rôle de l’ONTT qui, bien qu’il soit présent sur les plus grands salons, n’arrive pas à apaiser les doutes et calmer les peurs des touristes européens?»
Soit ! Que faire alors? Continuer à se lamenter? N’est-il pas venu le temps d’une journée nationale pour le tourisme et la formation d’un front uni et fort qui pourra se dresser en tant que vis-à-vis au prochain gouvernement et à tous ceux qui vont lui succéder?
Il est indélébile que ce sont principalement les politiques qui sont responsables de la situation dans laquelle se trouve le pays et le tourisme, mais comme le dit un adage, “un ami qui vous veut du bien“: «Les déclarations (catastrophe) émanant en plus de responsables du tourisme (FTAV, FTH et ONTT) aggravent la perception de la situation du pays chez le touriste potentiel et le pousse effectivement à renoncer à son voyage bien qu’il n’existe réellement aucun risque pour son séjour».
Donc, révisons notre communication messieurs les professionnels tout en continuant à défendre le secteur auprès des politiques. Le soutien de tout le peuple tunisien dont un quart vit grâce au tourisme de manière directe et indirecte est possible et nécessaire pour stopper la diabolisation du tourisme. Avec la cascade des incidents trop nombreux pour être mentionnés, commençant par les attaques contre les débits de vente d’alcool, aux hôtels saccagés, à la saleté qui s’amoncelle aux abords des hôtels, aux zones touristiques maintenues dans le noir… A quoi vous vous attendiez? A avoir des hôtels surbookés? A continuer tranquillement votre bonhomme de chemin?