Des vignerons de Bordeaux redonnent vie au vin bulgare

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à Starata Izba, le 14 février 2013 (Photo : Dimitar Dilkoff)

[26/02/2013 07:09:40] PARVENETZ (Bulgarie) (AFP) Starata Izba (La vieille cave), dans le sud de la Bulgarie, fondée au XIXe siècle mais négligée après la chute du communisme en 1989, revit grâce à une équipe bulgaro-française qui y introduit le savoir-faire des vignerons de Bordeaux.

La taille des vignes a été lancée la semaine dernière sur ce terrain de 15 ha à l’occasion de la Fête du vin, Saint Triphon-Zarezan, célébrée traditionnellement dans tout le pays. Après un service religieux sous la pluie, quelques vignes ont été taillées, avec l’espoir d’une récolte de qualité.

“Nous travaillons le Mavroud, un cépage autochtone au goût unique”, déclare le Français Guy Labeyrie, ancien négociant bordelais et aussi actif en Roumanie, copropriétaire de Starata Izba, qui possède une partie du vignoble et introduit du matériel et du savoir-faire vini-viticole de son pays.

L’autre propriétaire est un entrepreneur bulgare, Ivan Pantchev, ex-karatéka converti aux affaires, notamment dans le développement de logiciels et dans l’immobilier. Il déclare apprécier “le perfectionnisme” des viticulteurs de Bordeaux, dont une dizaine étaient invités à la Fête du vin bulgare.

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être orthodoxe bénit les vignes du domaine Starata Izba, le 14 février 2013 (Photo : Dimitar Dilkoff)

“La vocation d’un pays comme la Bulgarie est de faire des cépages, des produits autochtones. Il y a une typicité à développer”, souligne Bernard Ducourt, invité, dont la famille fait depuis 1858 du vin dans le Bordelais, où elle exploite 440 hectares et 12 Châteaux, essentiellement dans l’appellation Entre-Deux-Mers.

La gestion de Starata Izba est confiée à un autre ex-karatéka devenu vigneron, Dimitar Stoev. Il emploie des ?nologues diplômés de l’Université régionale de Plovdiv, qui effectuent des stages dans le Bordelais.

“Ils viennent chez nous pour nous aider et, en contrepartie, on les forme”, explique José Rodrigues-Lalande, propriétaire du Château Roche-Lalande, dans l’appellation Pessac-Léognan, et du Château de Castres, dans l?appellation Graves.

Starata Izba, aux peintures murales qu’il trouve “très jolies”, lui rappelle les caves françaises des années 1960: “Il y a un travail à faire au niveau de l’hygiène, du contrôle des températures, de la vinification, du travail des vignes”, recommande-t-il.

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çais Guy Labeyrie dans les vignes du domaine Starata Izba dont il est co-propriétaire , le 14 février 2013 (Photo : Dimitar Dilkoff)

Starata Izba fut fondée par un aubergiste bulgare à la fin du XIXe siècle, après la libération du pays de la domination ottomane.

Sous le communisme, elle fut étatisée pour servir de relais de chasse à l’élite. Ses hauts murs en pierre ont vu défiler des dirigeants communistes comme le Polonais Wladyslaw Gomulka, le Hongrois Janos Kadar et même le dictateur nord-coréen Kim Il-sung. Des armoiries avec la faucille et le marteau, des portraits de Lénine, ainsi que du dictateur communiste bulgare Todor Jivkov, limogé en 1989, font penser à une exposition improvisée à l’entrée de la cave.

Après la chute du communisme, Starata Izba a été rendue aux héritiers de son ancien propriétaire qui ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur son exploitation, avant de finalement la vendre. Le domaine est resté à l’abandon pendant 14 ans.

La restitution des terrains agricoles à leurs anciens propriétaires dans les années 1990 a mené à des réformes chaotiques dans l’agriculture bulgare, accompagnées d’une baisse drastique de la production.

Malgré l’apparition de nouvelles coopératives et de grandes propriétés, beaucoup de terres agricoles demeurent toujours morcelées, quelque 26.000 ha de vignobles étant à l’abandon.

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évrier 2013 (Photo : Dimitar Dilkoff)

Les surfaces plantées de vignes en Bulgarie ont été réduites de 250.000 ha en 1989 à 68.800 ha en 2012, selon le ministère de l’Agriculture.

Aux temps communistes, la Bulgarie exportait cinq millions d’hectolitres de vin pour l’URSS seule, les caves portant le nom d'”usines à vin”.

Aujourd’hui, le pays compte près de 250 caves dont certaines privilégient la qualité à la quantité. Les exportations de vin totales de la Bulgarie en 2012 ont été de moins de 600.000 hectolitres, dont 45% vers la Russie.

A quelque chose malheur est bon: les viticulteurs manquant de moyens, leur production est, “depuis plus de 20 ans, affranchie de tout recours aux engrais et aux pesticides”, note Guy Labeyrie. C’est “une bonne base pour développer la viticulture biologique”.