La bourse de Milan (Photo : Olivier Morin) |
[26/02/2013 15:49:57] MILAN (AFP) Les marchés financiers mondiaux tentaient mardi de digérer la matérialisation inattendue de l’un des pires scénarios politiques envisageables en Italie, celui d’un pays devenu ingouvernable, et qui fait craindre une nouvelle poussée de fièvre en zone euro.
“Non habemus majoritate”, relève Bruno Cavalier, économiste de Oddo Securities en référence à l’incertitude au Vatican liée à l’imminente démission du Pape. Evanouis les derniers espoirs de voir la gauche italienne former une majorité au Sénat avec l’appui du mouvement de Mario Monti, la réaction a été violente et les bourses européennes se sont effondrées dès l’ouverture, notamment Milan, qui chutait toujours de près de 4% vers 14H30 GMT.
Paris, Francfort, Londres et Bruxelles réduisaient toutefois leurs pertes en milieu d’après-midi mais restaient bien ancrées dans le rouge, à entre -1 et -2%. Wall Street, qui avait signé lundi sa plus mauvaise performance depuis novembre avec -1,55%, a en revanche ouvert en hausse de 0,32%, portée par de bons chiffres économiques américains.
L’euro est pour sa part tombé mardi matin à 1,3018 dollar, son niveau le plus faible depuis sept semaines, avant de remonter à 1,3072 dollar vers 14H00 GMT et les taux italiens et espagnols se sont nettement tendus sur les marchés obligataires. Vers 14H00 GMT, le taux d’emprunt à 10 ans de l’Italie se tendait très fortement à 4,846% (contre 4,490% la veille à la clôture). Le taux de l’Espagne grimpait à 5,332% (contre 5,168%).
Le Trésor italien, qui a emprunté dans la matinée 8,75 milliards d’euros sur 6 mois, a vu lui aussi les taux bondir au plus haut depuis octobre mais le véritable test de confiance est attendu mercredi lorsqu’il procédera à l’émission d’obligations à échéance 5 et 10 ans, beaucoup plus risquées.
En Espagne, autre pays considéré comme un maillon faible de la zone euro, le ministre de l’Economie Luis de Guindos a admis que l’Italie avait un effet de contagion sur les marchés financiers mais s’est dit persuadé que cet effet négatif ne se ferait sentir qu'”à court terme”. “Je suis convaincu que la volonté politique qui consiste à mener à bien les politiques nécessaires pour sortir l’Europe de la crise prévaudront”, a-t-il dit.
Les marchés financiers, qui espéraient de longue date et misaient encore lundi avec une certaine confiance sur une alliance pro-réformes entre le dirigeant du centre gauche Pier Luigi Bersani et le président du Conseil sortant Mario Monti, l’option la plus favorable du point de vue des marchés financiers, en ont été pour leurs frais.
Non seulement une telle alliance au vu des résultats ne suffirait pas pour avoir la majorité au Sénat, mais la réapparition de leur bête noire Silvio Berlusconi et la spectaculaire percée du mouvement de l’ex-comique Beppe Grillo ont mené à une situation de “tempête parfaite”, constate amèrement le journal des milieux d’affaires Sole 24 Ore.
D’où le coup de froid sur les places boursières, dont la durée paraît difficile à pronostiquer alors qu’aucune solution ne se profile pour l’instant. “Les acteurs de marché devraient demeurer sur le qui-vive étant donné que le scrutin italien a débouché sur l’un des pires résultats possibles”, constatent les économistes de la banque Commerzbank.
Bruno Cavalier évoque pour sa part une “prime de risque imposée à l?Italie”. “De (son) ampleur dépendra largement l?évolution des marchés européens”, juge-t-il.
Le premier choc passé, les marchés ont commencé à échafauder des hypothèses pour la suite: différents types de coalitions, nouveau gouvernement “technique” ou nouvelles élections sont évoqués, mais aucune thèse ne semble s’imposer en l’état. Cette crise éclate alors que l’Italie, déjà fragilisée par près de deux années de récession et une énorme dette de quelque 2.000 milliards d’euros, court en outre le danger de voir sa note rapidement dégradée par des agences de notation.
Certains se demandent déjà si l’Italie peut mettre en danger l’ensemble de la zone euro. “Nous devons nous rappeler pourquoi l’Italie est si importante pour la survie de l’euro. Silvio Berlusconi a été mis à la porte il y a deux ans et remplacé par le technocrate Mario Monti, dont le seul objectif était de réformer le pays. Cela n’a guère été fait à part quelques retouches fiscales et donc l’Italie, avec sa gigantesque montagne de dettes, reste une bombe à retardement au coeur de la zone euro”, soulignent les experts de la société Capital Spreads.