Pour sauver les petites entreprises, une solution : les payer à l’heure

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ésident du Groupe des fédérations industrielles le 12 février 2013 à Paris (Photo : Eric Piermont)

[28/02/2013 17:51:50] PARIS (AFP) Pour que les petites entreprises ne s’effondrent pas “au premier coup de vent”, il faut commencer par les payer en temps et en heure pour leur travail: les professionnels s’alarment d’une évidence si peu respectée et, de la charte à la sanction, proposent des solutions.

Le rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement, présenté publiquement jeudi, fait le constat que le non respect des délais de paiement légaux pèse pour 13,4 milliards d’euros sur la trésorerie des petites et moyennes entreprises (PME).

“On a eu un grand moment avec la loi sur la modernisation de l’Economie (LME) mais tout n’a pas été réglé, loin de là”, estime Yves Nagbaur, directeur des Entreprises à la Banque de France, “cette question des délais de paiement n’a rien perdu de son acuité, c’est un sujet crucial”.

Entrée en vigueur le 1er janvier 2009, la LME a ramené les délais de paiement des fournisseurs à 60 jours ou 45 jours fin de mois (calculés en fonction de la date d’achat dans le mois).

“Il faut payer les fournisseurs plus rapidement que les clients ne payent: ça crée un effet de ciseaux catastrophique”, décrit Bruno Cavagné, vice-président de la Fédération nationale des Travaux publics.

Du chemin reste donc à faire, mais les acteurs du monde de l’entreprise ne manquent pas d’idées pour y remédier.

La première semble évidente: rédiger un contrat mentionnant les conditions de paiement. Peu de petites entreprises le font. Toujours pas payées, elles hésitent également à se retourner contre leur fournisseur, et quand elles le font, ce dernier a la menace facile: “on vous paie mais pas sûr qu’on retravaille avec vous”.

L’écart de trésorerie que les petites sociétés doivent supporter pour combler le décalage entre leur règlement aux fournisseurs et le paiement que leurs clients leur adresse “signifie que les entreprises de construction sont souvent balayées au premier coup de tempête, parfois au premier coup de vent, elles tombent faute de trésorerie”, assure Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment.

Citant des paiements de solde intervenant jusqu’à deux ans après l’établissement de la facture, il propose une solution “d’une simplicité biblique”: inclure dans le délai maximum de 60 jours le temps que les créanciers disent passer à “vérifier” la facture.

Pour Pierre Gattaz, président du Groupe des fédérations industrielles, il faudrait rendre l’accès au crédit de trésorerie moins complexe et moins long.

Et pourquoi ne pas donner aux commissaires aux comptes un “droit d’alerte sur les délais de paiement”, comme ils en ont un lorsque les comptes d’une entreprise sont inquiétants sur sa santé, interroge le vice-président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), Frédéric Grivot. Il s’agirait de déclencher “d’éventuelles sanctions”, détaille-t-il.

“Sanction”: le mot est prononcé à contre-coeur par ces patrons. D’autant plus que certaines sont prévues par la LME sous forme d'”intérêts moratoires”.

Mais “les entreprises ne les demandent pas”, rappelle Bruno Cavagné, toujours pour ne pas chiffonner leurs partenaires. Il suggère donc “de régler le problème de façon informatique”, ce qui ne laisserait plus le choix des deux côtés de la chaîne.

De là à aller plus loin, le pas n’est pas franchi. “Condamner les entreprises qui ne respectent pas la LME, ce serait un peu fort de café de la part de l’Etat alors que lui-même ne la respecte pas !”, s’agace-t-il.

La solution la plus unanimement évoquée par tous ces professionnels est l’établissement de “chartes” de bonnes pratiques. Seul M. Ridoret n’y voit pas d’intérêt car celles qui ont déjà été signées dans son secteur n’ont donné aucun résultat. “La charte est un début, il faut commencer par des solutions non-coercitives”, insiste Pierre Gattaz.

Une proposition a été faite pour “faire évoluer” la charte en créant des “labels”, comme celui de la médiation inter-entreprise, pour l’obtention duquel un “critère rédhibitoire” serait le respect des délais de paiement. “Une grande entreprise française s’était présentée pour avoir le label parce qu’elle savait que ça lui apporterait quelque chose, quand elle a vu ce critère, elle a retiré sa candidature”, rapporte M. Grivot.