La situation sécuritaire en Tunisie : Les Tunisiens entre colère et peur !

tunisie_securite-04032013-art.jpg«Plus
d’un million d’armes circuleraient en Tunisie… C’est un vrai business. Il ne
s’agit pas de terrorisme mais d’un gros trafic…». Ces propos que balancent
nonchalamment Zyed Ladhari, député
Ennahdha à l’ANC, sur le plateau d’une
émission télévisée, sont alarmants surtout au vu d’un contexte marqué par la
guerre au Mali, l’effondrement de la Libye voisine par où transitent
principalement les armes, sans oublier les fortes tensions qui traversent la
Tunisie depuis la mort de
Chokri Belaid, assassiné par 3 balles tirées à bout
portant.

En été 2012, différentes vidéos ont circulé sur Internet et montrant des armes
vendues dans des marchés hebdomadaires, notamment à Sfax. Entre les amis des uns
et des autres qui ont acheté un «Beretta» et les enquêtes de «Nawaat» ou celle
du journal Le Maghreb sur les trafics d’armes, il est incontestable que le
trafic d’armes est en train de se banaliser en Tunisie. Depuis quelques
semaines, les faits divers où des civils sont tués à coups de fusils se
multiplient.

Khemaïes Mejri, membre de la «Jamaa islamique en Tunisie», a déclaré au cours du
mois je juillet dernier que les différents courants politiques possèdent des
armes et que celles-ci «circulent dans tout le territoire». Si de nombreuses
armes ont été volées durant les événements du 14 janvier et sont toujours
introuvables, il ne fait aucun doute pour Aleya Allani, chercheur en histoire
politique du Maghreb et spécialiste de la question
salafiste, que c’est la Libye
qui en est la principale source. Il précise: «qu’après la chute du régime de
Kadhafi, près de 800.000 pièces d’armes se sont évaporées en Libye. Une grande
partie a été exportée au Mali et le reste a été disséminé dans les pays
d’Afrique du nord.

Un million d’armes par-ci, 800.000 par-là…Qui dit mieux? Quelle est l’ampleur de
la prolifération des armes qui circulent en Tunisie? Difficile de répondre à la
question. Les autorités tunisiennes ont commencé par mettre du temps pour
reconnaître les dégâts ou le fléau.

Elles ont mis du temps à reconnaître l’existence de camps d’entraînement dans
les régions isolées du pays, mais ont fini par admettre les trafics depuis la
saisie de Médenine et plus récemment celles de Mnihla (Ariana) où les armes
découvertes sont impressionnantes. On y voit des Kalachnikov, des RBG, …
L’avocat Abedenasser El Aouini parle aussi de cocktails Molotov. Plusieurs
arrestations ont été faites, selon le ministère de l’Intérieur, et l’enquête est
en cours.

Du côté de ministère de la Défense, on reste discret sur la question. Mohamed
Boussnina, représentant dudit ministère, avoue, lors d’une conférence d’Amnesty
International tenue en juin 2012, ne pas connaître le degré de prolifération des
armes qui circulent dans le pays. Il y dit: «On n’a pas d’informations
concernant le nombre d’armes retenues mais elles seraient quelques dizaines».

La découverte de la cache d’El Mnihla s’est faite de façon accidentelle (voiture
volée de la STEG et munie d’un GRPS) et suscite une cascade de questions: Quelle
stratégie est-elle appliquée pour retrouver les armes? Y a-t-il un plan de
sécurisation région par région? Où sont les contrôles qui ont permis à une telle
quantité d’armes de se retrouver en plein cœur de la capitale après avoir fait
probablement plus d’un millier de kilomètres du sud du pays? Quels sont vraiment
les moyens dont disposent les forces de l’ordre et l’armée pour faire face à ces
gros trafics et pour anticiper les actes terroristes?

Au fil des mois, les dizaines d’armes se sont transformées en milliers puis en
dizaines de milliers et centaines de milliers, et il semble que les armes se
découvrent un peu par hasard! Etrange au vu de la situation dans la région et de
la vigilance qu’elle impose ou devrait imposer!

Si la criminalité et les histoires des gros sous prolifèrent en temps de guerre,
de révolutions et d’instabilité, ce sont bien entendu les menaces terroristes
qui retiennent toute l’attention. La Tunisie a enregistré le retour de nombreux
djihadistes au lendemain du 14 janvier et de nombreuses amnisties décidées par
le président
Moncef Marzouki. Nous citerons par exemple celle d’Abou Iyadh,
condamné à 43 ans de prison et relaxé en mars 2012.

Selon un récent rapport de Cris group, «il existe bien des groupuscules armés
dans le pays mais pour le moment ces groupes croient au succès de la prédication
pacifique sur le sol tunisien. Mais le désordre qui agite le Maghreb, la
circulation d’armes, la porosité des frontières avec la Libye et l’Algérie ainsi
que le retour éventuel de ces djihadistes au pays risquent d’accentuer le
péril». Mais pour combien de temps?

Pour le moment et à l’heure où tous les regards se tournent vers eux, les
désignant sans les nommer dans l’assassinat de Chokri Belaid, ce sont surtout
les retours des djihadistes tunisiens de Syrie qu’appréhendent les Tunisiens.

Sous le choc des milliers de jeunes envoyés à la mort et dont on voit les images
et vidéos circuler sur les chaînes de télévision du monde entier, les Tunisiens
sont mitigés entre leur colère de voir ces jeunes gens embrigadés et leur peur
de lendemains bien incertains.