ée à Paris le 27 février 2013 (Photo : Bertrand Guay) |
[05/03/2013 06:20:34] PARIS (AFP) La Garde des Sceaux, Christiane Taubira, lance mardi la concertation sur la réforme des tribunaux de commerce afin de présenter à l’automne un projet de loi sur ce secteur controversé dont chaque gouvernement a déjà pu éprouver la sensibilité.
Sept groupes de travail seront installés mardi, sous l’égide des ministères de la Justice, du Redressement productif et de la Consommation, afin de formuler d’ici mi-mai des préconisations. Celles-ci déboucheront sur un texte à la rentrée.
Plusieurs chapitres de cette réforme, programmée dans le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, font déjà l’objet d’un consensus avec les juges consulaires.
Il en va ainsi de rendre obligatoire la formation de neuf jours des juges consulaires, d’élargir leur collège électoral ou d’établir un livret de déontologie et des déclarations d’intérêt. Il paraît d’autre part acquis que la carte des tribunaux ne sera pas touchée.
D’autres points laissent en revanche présager d’éventuels lendemains difficiles. Le gouvernement socialiste semble être conscient, ayant gardé le souvenir de la longue et pénible fronde des juges consulaires au début des années 2000, quand Lionel Jospin était Premier ministre.
“Nous savons qu’il y a un rapport difficile entre ces milieux et le gouvernement, quel que soit le gouvernement”, a reconnu Mme Taubira, auditionnée mi-février à l’Assemblée nationale par la mission d’information sur le rôle de la justice commerciale.
“Je prends mille précautions, un peu plus que normalement, de façon à avancer ensemble vers, je ne sais s’il faut dire +modernisation+, j’essaie de choisir mes mots pour ne pas froisser, des aménagements à mettre en place de façon à rendre plus efficace la justice commerciale”, a-t-elle expliqué en souriant.
Les tribunaux de commerce se sont attiré cet automne les critiques d’Arnaud Montebourg au sujet de plusieurs procédures qui contrecarraient, selon lui, sa politique de redressement économique.
Des juges bénévoles
és du fabricant de pneus Goodyear devant le tribunal de commerce de Nanterre le 30 mars 2010 (Photo : Jacques Demarthon) |
Les 135 tribunaux de commerce français sont composés de 3.200 juges consulaires, des commerçants ou des chefs d’entreprise élus par leurs pairs et qui travaillent bénévolement. Ils sont appuyés par le ministère public, représenté par un magistrat professionnel, le seul dans le fonctionnement de cette justice, mais rarement impliqué, faute de temps et de moyens.
Mais les juges consulaires s’indignent lorsqu’on laisse entendre que leurs juridictions seraient plus efficaces, voire moins partiales, si elles étaient aussi composées de juges professionnels, un procédé appelé “échevinage” et déjà pratiqué outre-mer.
“Les juges consulaires sont bénévoles, s’engagent en faveur de la collectivité en prenant sur leur temps, ce qui les motive, c’est d’être responsables des décisions qui vont être prises, l’échevinage les transformerait en simples assesseurs”, explique à l’AFP Jean-Bertrand Drummer, président de la conférence générale des juges consulaires de France.
“Ce serait un casus belli: si la décision d’échevinage était prise, ça conduirait immédiatement à la suspension des audiences”, prévient-il.
Les juges consulaires n’ont “pas beaucoup d’argument quand ils avancent la circonstance que ça fait 450 ans que ça dure”, a estimé le 13 février Cécile Untermaier, rapporteure de la mission d’information de l’Assemblée, en rappelant que “le droit commercial se complique”.
Mme Taubira, quoi qu’il en soit, semble avoir pris la mesure du risque de passer en force sur ce sujet. Elle a donc jusqu’ici concentré son action sur un renforcement de la présence et des compétences des procureurs dans les tribunaux commerciaux.
“Nous voulons une réforme exigeante, globale, efficace et consensuelle”, confirme-t-on à la Chancellerie, assurant vouloir prendre comme point de départ la “collecte de ce qui se fait de mieux dans les juridictions”.