Le ministre de la défense veut se mettre en réserve de l’opacité. Et il appelle l’attention des tunisiens sur ce sujet capital, en rendant publique sa démission. La question est : la ’’Grande muette’’ doit-elle avoir voix au chapitre, pour sécuriser la transition ? En d’autres termes le soldat Abdelkrim Zbidi doit-il rester sous les drapeaux ? Les tunisiens ont conviés à un plébiscite par pétition populaire. L’affaire prend une tournure de test de vérité pour le nouveau gouvernement
La démission du ministre de la défense est rendue publique. Dr Abdelkrim Zbidi, s’apprête à rendre le tablier, plutôt l’uniforme. Deux questions surviennent alors. Quelles raisons à son départ ? Quel profil pour son remplaçant ?
L’armée, rempart de la Nation. Noble, mais délicate mission
Nous connaissons tous le crédo de l’armée tunisienne née et constituée selon les valeurs républicaines « L’armée est le rempart de la Nation. Sa mission est de le préserver le pays de toutes les agressions ». L’armée nationale s’est comportée en conformité avec son référentiel républicain durant la révolution et c’est tout à son honneur d’avoir protégé tout le parcours de la transition. Elle veut respecter son contrat jusqu’au bout. Le ministre actuel, lui-même habité des valeurs de la république s’y est appliqué, avec ce qu’il faut de réserve et de distance pour que l’armée reste à l’écart des tiraillements politiques, de toutes sortes. Cette attitude était saluée par le peuple et les sondages successifs rappelaient que les tunisiens conservaient une entière confiance à cette prestigieuse institution de la république.
L’opacité et le déficit de croissance, en ligne de mire
Le ministre, en conscience, constate que le reste du parcours de la transition est plongé dans l’opacité. Aucune feuille de route crédible n’est élaborée et le mystère s’épaissit. Le parlementarisme paralyse la vie politique du pays. L’économie n’est pas plus épargnée. En effet la croissance, n’est pas au rendez-vous et il n’y a aucune fatalité à cela, disait-il en substance en intervenant par téléphone sur un plateau de télévision dans la soirée du mardi 5 mars. Il persiste et signe, l’initiative de Hamadi Jebali est le cap de bonne espérance pour le pays. S’en écarter jette le trouble sur la dernière ligne droite du processus de transition. Ministre indépendant, c’est-à-dire sans coloration politique il est parvenu à pacifier ses relations avec les trois présidents. Légaliste, il se tenait à l’écart de toutes les escarmouches. Il a bien essuyé quelques coups de griffe. On a imprudemment parlé de la « réquisition » de l’armée quand elle a sécurisé les funérailles du martyr chokri Belaid. Il est monté au front et a rectifié le tir, rappelant que l’armée est là pour parer aux grands périls, selon sa propre estimation du degré de dangerosité. L’état urgence est reconduit par le président de la république sans qu’il soit consulté. Mais cela ne l’a pas froissé, outre mesure. Certes l’armée est déployée au-delà des délais raisonnables et elle aura encore du pain sur la planche avec la future saison agricole et les examens scoliare et universitaires qu’il faudra sécuriser. Ce qui l’intrigue par-dessus tout c’est l’absence d’un plan de bataille pour visualiser la suite du parcours. La perspective n’est pas claire et ça le trouble. Il préfère rendre l’uniforme. Pourquoi sa démission sonne-t-elle comme un coup de « chien de fusil » ?
L’homme de la situation
Le peuple tunisien accablé par le culte de la personnalité veut rompre définitivement avec l’image de l’homme providentiel. Nul n’est indispensable. Mais est-ce une raison pour faire croire que nous sommes interchangeables ? Les faits d’arme du Dr Abdelkrim Zbidi sont prouvés. Son patriotisme est à toutes épreuves. L’homme n’a pas failli et le ministre n’a jamais soulevé de vague, en dépit des tumultes et remous environnants. Une sorte de ballon d’essai est lancé et on avance le nom d’un remplaçant. Et cela déclenche un vent de panique nationale. Et si jamais, les vents partisans soufflaient sur la citadelle militaire. On comprend donc le bien fondé de l’initiative de pétition populaire destinée à dissuader le ministre de partir et de rester à son poste. « Soldat » Zbidi, rempilez ! Ce n’est pas un ordre. C’est l’échos de l’appel du devoir.