Si l’on en venait, après l’avoir laissé délibérément péricliter, à vendre Tunisair, symbole de la souveraineté nationale. Qui serait le meilleur candidat? Qatar Airlines, à laquelle on vient d’accorder une cinquième liberté, ou Syphax Airlines, une compagnie naissante mais tunisienne?
Syphax Airlines, conseillée aujourd’hui par Salem Miladi, ex-ministre du Transport, prend de plus en plus d’ampleur dans le paysage aérien en Tunisie. C’est d’ailleurs Salem Miladi, présent lors de son lancement, qui a encouragé les dessertes Syphax à partir de Tunis alors qu’au départ il s’agissait de desservir uniquement à partir de l’aéroport de Sfax. «Revendiquer Tunis était dans l’ordre des choses car vous n’imaginiez quand même pas qu’une compagnie aérienne puisse être rentable en se limitant à assurer le transport à partir et vers Sfax. Nous parlons d’aérien et pas de transport routier. Les investissements sont lourds et la pérennisation d’une compagnie dépend en premier lieu de sa compétitivité basée sur les prix et la qualité des services. Syphax Airlines n’aurait pas pu survivre longtemps en limitant son champ d’action à la capitale économique», a indiqué à l’occasion un représentant du syndicat de base de Tunisair.
Les ambitions de Mohamed Frikha, PDG de Telnet et fondateur de Syphax Airlines, n’ont d’égales que son intelligence. En effet, la récente commande passée en janvier dernier par la compagnie Syphax pour l’acquisition de 10 Airbus A320 ouvre également grande la porte à Telnet pour un plus grand partenariat avec Airbus dans la conception et la production de systèmes électroniques pour l’aéronautique et avec Safran, pour la création d’un centre d’ingénierie aéronautique. D’une pierre deux coups, Telnet, premières amours de l’entrepreneur, profiterait de l’expansion de la compagnie Syphax Airlines.
Nous ne pouvons pas dire que Mohamed Frikha n’a pas de suite dans les idées. Une probable introduction en Bourse dont l’accord de principe est déjà accordé pour l’admission sur le marché de 3 millions d’actions constituant le capital actuel de la société Syphax Airlines, ainsi que 2,5 millions d’actions nouvelles souscrites, à émettre dans le cadre de l’augmentation de capital, permettrait à la compagnie de renforcer son assise et de mieux se positionner tant à l’échelle nationale que régionale. Mieux encore, son statut de compagnie privée la privilégie au niveau du management, de la réactivité et de la gestion des ressources humaines par rapport à la compagnie historique.
On ne peut envisager une possible vente de Tunisair sans avoir un petit pincement au cœur. La compagnie est passée par des moments très difficiles et a souffert de grandes erreurs de gestion et de jugements qui ont vu leur «accomplissement» lors du retour au bercail de Tunisair Handling et de Tunisair Catring.
La phase postrévolutionnaire, le recul du secteur touristique, la crise économique européenne, la politique sociale et la pression des syndicats ont fragilisé la compagnie à tel point qu’elle se trouve aujourd’hui avec des pertes dépassant les 100 MDT rien que pour 2011. Le manque à gagner pour la compagnie est de l’ordre de 300 MDT aujourd’hui.
Mais Tunisair souffre d’un mal encore plus grave, celui d’une incapacité à gérer les troupes ou encore plus d’un manque de rigueur dans leur gestion. Car deux incidents d’avions en une année (celui de Djerba et celui tout récent de l’aéroport Tunis-Carthage), cela ne s’est jamais produit dans l’histoire de la compagnie battant pavillon national. Ceci prouve entre autres la dégradation des rapports entre la direction générale et les personnels exécutants. Tunisair a été à ce jour l’une des compagnies les plus fiables, les plus sécurisantes et les plus sûres de la région maghrébine. Alors que lui arrive-t-il?
Grands temps pour y mettre de l’ordre et ne pas laisser les choses se détériorer au point de la céder pour une bouchée de pain.
Et pourtant, on peut la sauver si seulement on le veut.