Médias en Tunisie (1/2) : Plus de mal que de peur ?

 

guerre-tv-medias-07032013.jpgLes radios nées avec la révolution du 14 janvier 2011, ou du moins une bonne partie d’entre elles, pourraient ne plus diffuser leurs programmes. Pourquoi ? On parle ici du monopole exercé par l’ONT. Mais est-ce suffisant pour expliquer les difficultés que connaissent nombre de médias tunisiens? Analyse.

Jeudi 28 février 2013, la chaîne «Al Hiwar Attounsi» a procédé devant ses locaux à Tunis à la vente de bottes de persil à 20 dinars pièce. Un acte symbolique sur lequel le directeur de la chaîne, Taher Belhassine, s’en est expliqué: anticiper les difficultés financières de la chaîne. Taher Belhassine a estimé, dans un talk-show d’une chaîne tunisienne, qu’Al Hiwar Attounsi pourrait connaître des problèmes à partir de l’été 2013.

La chaîne Al Hiwar Attounsi est-elle le seul média à connaître des difficultés et qui risque de disparaître s’il n’arrive pas à apporter des solutions à ses problèmes de financement? De ce côté des choses, l’actualité ne cesse de nous renvoyer des signaux édifiants. Le constat est du reste facile à établir.

Une étude établie par le PIDC (Programme International pour le Développement de la Communication), en juillet 2012, sur «le développement des médias en Tunisie » soutient que sur les 228 publications enregistrées, en novembre 2011, seule une trentaine de publications a pu voir le jour à la date de publication des résultats de l’étude. Et sur les publications qui ont vu le jour, certaines ont cessé de paraître. Comme Al Moharrar ou encore Achahad, Ourabya et Al Oula.

Les projets ont-ils été renvoyés aux calendes grecques?

Côté audiovisuel, seule une seule chaîne de télévision parmi les six autorisées, en juin 2011, diffuse ses programmes aujourd’hui. Il s’agit précisément d’Al Hiwar Attounsi, qui a vendu, le 28 février 2013, des bottes de persil. Sur les quatre autres, une seule a entamé une diffusion : la TWT. Elle a malheureusement fini par arrêter la diffusion de ses programmes.

Les quatre autres (la chaîne sportive de la TT ou Télévision Tunisienne, l’établissement public de télévision, Khomsa Tv, Golden Tv et Ulysse Tv) n’ont pas encore vu le jour. Les projets ont-ils été renvoyés aux calendes grecques?

Les douze radios, autorisées également en juin 2011, après avoir reçu un avis favorable par l’INRIC (Instance Nationale de la Réforme de l’Information et de la Communication), structure créée après le 14 janvier 2011 en vue de mettre de l’ordre dans le paysage médiatique tunisien, peinent à survivre. Tout le monde sait, par exemple, que leurs dettes s’accumulent auprès notamment de l’ONT (Office National de Télédiffusion) qui transporte les signaux qu’elles produisent à leurs auditeurs. Certaines seraient d’ailleurs menacées de disparaître si elles ne payaient pas leurs factures.

Mais où est-ce que le paysage médiatique a mal?

Les radios nouvellement créés ont attiré, si l’on croit des échos parus dans les colonnes de la presse tunisienne, l’attention des autorités sur leurs difficultés matérielles. Ces dernières ont, entre autres, exprimé leur crainte concernant ce dossier de l’ONT au cours d’une rencontre organisée le 25 février 2013 au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT).

Pour comprendre pourquoi les médias tunisiens ont des difficultés financières, il faut toutefois s’interroger sur le vécu quotidien du paysage médiatique tunisien. Un vécu qui, s’il s’est certes libéré du joug de la dictature, reste encore bien en retard au niveau de son fonctionnement et de son organisation. Une chose est, à ce propos, sûre: pour se développer, les médias, à la fois produit intellectuel et industriel, ont besoin de moyens. La presse, qu’elle soit écrite ou audiovisuelle, est comme le précise la professeure Nadine Toussaint, une spécialiste de l’économie des médias, «une marchandise offerte sur un marché où des lois et des contraintes vont s’exercer» (L’économie des médias, Presses Universitaires de France, Que sais-je ?, 1978).

Car l’ONT, qui a, si l’on croit des échos publiés dans la presse, accepté de revoir ses tarifs, n’est pas –loin s’en faut- le seul mal des médias tunisiens.

Mais si les médias se doivent de se plier aux réalités du marché, il n’en demeure pas moins qu’ils se doivent d’être écoutés et aidés. Nadine Toussaint soutient également dans son «Que sais-je?» de 1978 que : «Si l’on peut, sans trop de regret pour la collectivité, déplorer l’échec du lancement d’un produit de consommation courante, il n’en va pas de même en matière d’information. Il est difficile d’admettre sans amertume qu’au-delà, ou en deçà, des contraintes, les contraintes économiques empêchent l’entrée et le maintien sur le marché d’un courant de pensée (politique ou littéraire) ou d’une forme de création, et que la presse soit ainsi tributaire de l’Argent».

Mais où est-ce que le paysage médiatique a mal?

Cela fera l’objet de notre prochain article.