Les Tunisiennes célèbrent cette année la Journée Mondiale de la Femme avec beaucoup de craintes et de réserves pour certaines alors que d’autres se disent plutôt confiantes et optimistes.
La Femme Tunisienne a toujours été un modèle porteur d’espoir pour toutes les femmes du monde Arabe. La Tunisie étant le seul pays arabe ou musulman à avoir institué, sous l’ère de Bourguiba, les droits de la femme dans la constitution en affirmant le droit à la contrainte matrimoniale et l’abolition de la polygamie.
“Les acquis réalisés pour la femme Tunisienne seront confortés dans la nouvelle constitution”, assure Mme Farida Laabidi, députée à l’Assemblée Nationale Constituante (Ennahdha), présidente de la commission des droits et des libertés, citant les articles 5, 7 et 37 du brouillon de la Constitution qui affirment, dit-elle, l’égalité des citoyens en droits et en devoirs.
En fait, le projet de la nouvelle constitution stipule dans son article 5 que « tous les citoyens, hommes et femmes, ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans aucune discrimination » ; l’article 7 affirme que “l’Etat garantit les droits de la femme et appuie ses acquis” et l’article 37 que “L’Etat garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme pour assumer les différentes responsabilités. L’Etat garantit l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard de la femme”.
Selon Mme Laabidi, le brouillon de la nouvelle Constitution renforce le rôle de la femme dans la Société “en tant que partenaire avec l’homme”, citant le préambule du projet de la Constitution qui parle “de l’équité et de l’égalité en droits et devoirs entre tous les citoyens et toutes les citoyennes”.
“Le contenu du Code du statut personnel ne sera pas amendé et la nouvelle Constitution viendra plutôt renforcer ce contenu. Il n’y a aucun risque de régression dans les acquis de la femme”, affirme-t-elle mais elle ne se prononce toutefois pas sur la nature des garanties ni les outils qui seront adoptés en vue de protéger les acquis déjà accomplis de la femme Tunisienne.
Face à cette note rassurante et confiante, des voix féministes s’élèvent en Tunisie pour tirer la sonnette d’alarme appelant à protéger la loi de 1959 qui protège le statut personnel de la femme désormais menacée par certaines dispositions prévues dans l’avant-projet de la nouvelle constitution Tunisienne.
“Certaines dispositions dans le brouillon de la Constitution contredisent les valeurs fondamentales des droits humaines et constituent une régression par rapport aux acquis du peuple Tunisien”, clament les militantes féministes tunisiennes représentées par différentes associations et mouvements de femme en Tunisie.
“La nouvelle Constitution doit s’inspirer des principes fondamentaux des Nations Unies qui affirment les principes de dignité et que la valeur de la personne humaine est dans l’égalité des droits des hommes et des femmes”, explique Mme Hafidha Chekir, juriste et universitaire.
“La constitution doit garantir les libertés fondamentales et les droits humains des femmes dans leur universalité, leur globalité et leur indivisibilité”, tient-elle encore à préciser.
Les militantes pour les droits des femmes expliquent que les droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux doivent être mentionnés dans le texte de la nouvelle Constitution. L’Etat doit adopter les dispositions et les mécanismes nécessaires pour garantir ces droits, affirment citant les dispositions énoncées dans la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes “CEDAW”.
“Les femmes Tunisiennes qui militaient auparavant pour promouvoir les droits de la femme, s’accrochent actuellement aux anciens acquis”, regrette de son coté Mme Monia Ben Jemiaa, juriste, universitaire et membre de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD).
Même si le préambule et des articles du brouillon de la constitution parlent de l’égalité entre les citoyens en droits et devoirs “cette égalité n’est prévue que conformément aux Constantes de l’Islam citées comme référence notamment dans le préambule du brouillon de la constitution”, a encore relevé Mme Ben jemiaa.
“On parle des droits de la femme seulement dans le préambule et dans les principes généraux mais on ne trouve aucune trace dans le 2eme chapitre de la Constitution consacré aux droits et aux libertés”, a-t-elle ajouté.
“Les risques d’une régression des acquis de la femme sont possibles étant donné l’ambiguïté et la confusion que peut créer l’article 148 du projet de la Constitution qui affirme que l’Islam est la religion de l’Etat”, a encore dit Mme Ben Jemiaa.
“L’interprétation de cet article peut renvoyer à la chariaa comme constante de l’islam et par conséquent ouvrir pet-être la voie à la polygamie, la répudiation et la diminution de l’âge du mariage. Le texte risque d’être par conséquent en contradiction avec les acquis de la femme”, a-t-elle expliqué appelant par ailleurs “à féminiser la formulation des textes des droits et des libertés” et de veiller à évoquer en même temps les citoyens et les citoyennes dans le texte de la constitution.
“Il faut également oeuvrer à l’application du principe de parité comme mécanisme constitutionnel pour la concrétisation de l’égalité dans toutes les lois”, a-t- elle également relevé.
WMC/TAP