Augmentation des prix des carburants : Le pétrole est-il devenu le nouveau pain des peuples ?

 

ssence-khobza-2013.jpgLe mécontentement qui a suivi l’augmentation des prix des carburants, le mardi 5 mars 2013, n’est-il pas symptomatique d’une mutation profonde de notre société: par la place qu’il prend dans la production des biens et services et par ses répercussions sur le consommateur, le pétrole est devenu d’une importance vitale.

Branle-bas de combat en Tunisie après la décision du gouvernement, le mardi 5 mars 2013, d’augmenter le prix des carburants. Outre un mécontentement bien ressentie auprès de nombreuses couches de la population, et pas seulement les catégories les plus riches, des représentations de la société civile (la Chambre syndicale des propriétaires des stations-service, l’Union Tunisienne de l’agriculture et de la pêche, la Chambre syndicale des propriétaires de taxis individuels et l’Association de défense des consommateurs) ont affirmé leur refus de cette augmentation et annoncé des mobilisations. La Chambre syndicale des propriétaires de taxis individuels a déjà annoncé une grève générale pour le lundi 18 mars 2013. La Chambre syndicale des stations-services menace, quant à elle, de suspendre son activité les 15,16 et 17 avril 2013.

Pour ces derniers opérateurs, cette récente augmentation est une augmentation de trop. Elle ne pourra qu’augmenter les prix d’autres produits. Et au taux où est l’inflation (6,6%), il ne peut s’agir que d’un sujet de grand mécontentement. Cette augmentation ne peut, en outre, que provoquer des coupes sombres dans leur chiffre d’affaires. Une situation aggravée pour les stations-services par la contrebande qui sévit en matière d’essence venu d’Algérie. Bref la polémique risque d’enfler d’autant plus que certain des experts soulignent que rien ne peut motiver cette augmentation : les prix du baril pétrole n’ont pas augmenté sur le plan mondial.

Une importance vitale

Ne jouons pas les Cassandre, mais tout porte à croire que cette augmentation et celle qui pourraient suivre peuvent envenimer davantage les relations entre le gouvernement et nombre de représentants de la société civile. Si ce n’est pas le cas. Etonnant pourrait-on dire à l’endroit d’un produit (les carburants) qui est, à première vue, considéré un tant soit peu comme un produit de « luxe ». Les catégories sociales défavorisées ne possèdent pas de voitures.

En fait, il faut savoir que les carburants sont devenus d’une importance vitale dans nos sociétés y compris les plus démunies. Et ce pour au moins deux raisons. Première raison : les opérateurs économiques répercutent quasi automatiquement les augmentations des carburants sur les produits qu’ils fabriquent ou commercialisent.

Que se soit dans l’agriculture, l’industrie ou encore dans les services, rien ou presque rien ne fonctionne sans les carburants : les machines, les chauffages, les moyens de transports,…

Jusqu’à 70% des coûts

Deuxième raison : l’énergie est souvent un poste de première importance dans les coûts de certains secteurs. Exemple, celui de l’agriculture : il atteint une propension égale à 60%. Dans le secteur du transport, il peut atteindre 70% des coûts pour certaines petites unités.

Autre élément, certes invisible, mais combien important. L’usage fait des hydrocarbures dans le monde. En effet, beaucoup de citoyens lambda ignorent peut-être que le pétrole entre dans la fabrication de nombreux produits qu’ils achètent chez l’épicier du coin et bien au-delà.

En effet, le naphta produit par le raffinage du pétrole sert à fabriquer un très grand nombre de matériaux usuels comme les plastiques, les textiles synthétiques, les caoutchoucs synthétiques , et les détergents, les adhésifs, les engrais, les cosmétiques. Le pétrole permet aussi de fabriquer les bitumes, les paraffines et les lubrifiants.

Et inutile de préciser là aussi que chaque augmentation du prix du pétrole se répercute automatiquement sur le prix de ces produits.

C’est ce qui explique, sans doute, pourquoi de grandes manifestations ont été organisées, en Jordanie, en novembre 2012, lorsque le gouvernement a décidé des augmentations allant jusqu’à 53% pour le gaz domestique. Il y a eu un mort et 70 blessés.

En janvier 1984 en Tunisie et en avril 2008 en Egypte, des manifestants ont crié leur colère en raison de l’augmentation du prix du pain. Là aussi, il y a eu des morts : entre 70 et 143 en Tunisie et 3 en Egypte.

Ce fut un temps. Par la place qu’il prend dans la production des biens et services et par ses répercussions sur le consommateur, le pétrole n’est-il pas en train de devenir le nouveau pain des peuples ?