Jamel Gamra, nouveau ministre tunisien du Tourisme, a du pain sur la planche et doit commencer par parer au plus urgent, celui de sauver la prochaine saison touristique 2013, pour nourrir les populations qui vivent d’un secteur qui passe par une crise sans pareil.
Le nouveau ministre devra pour cela faire face à plusieurs difficultés et éviter les écueils de ses prédécesseurs.
Au moins, il n’aura pas à faire l’éternelle tournée des Salons et foires touristiques internationaux puisque ceux-là sont, d’abord, presque finis pour cette année, et qu’ils n’ont pas servi à grand-chose, si ce n’est à raviver les craintes face à une parole politique approximative et souvent maladroite dans un contexte marqué par une grande méfiance envers la Tunisie et sa transition démocratique. Ensuite, car ils roulent tous seuls, et depuis des décennies, relayés par l’ONTT et les professionnels du tourisme.
Si le gouvernement devait se maintenir jusqu’à la fin de l’année en cours, cela devrait pousser Jamel Gamra à se concentrer sur deux ou trois dossiers prioritaires, estimons-nous, en tentant de rétablir la communication avec la profession tout en rassurant ses propres armées au sein d’une administration qui résiste tant bien que mal mais qui fatigue par les problèmes autant structurels que conjoncturels du tourisme tunisien.
Né en 1961, Jamel Gamra est ingénieur en informatique et a enseigné au Canada, sa réputation «d’homme intègre et droit» et sans expérience suffira-t-elle pour faire de lui l’homme de la situation?
Le ministère du Tourisme est délicat et fortement exposé. Jamel Gamra devra garder sa porte ouverte et savoir s’entourer pour faire un nouvel état des lieux. Car désormais, aux sempiternels problèmes, de nouveaux sont venus se rajouter. Ils s‘appellent menaces sécuritaires, intimidations et banditismes, méfiance et tensions avec l’Algérie voisine qui pourvoyait plus d’un million de touristes…
L’ancien président-directeur général de la Compagnie tunisienne de navigation (CTN), qui aura pour mission de redresser l’image ternie de la destination particulièrement sur les marchés européens, ne devra pas se tromper d’objectif. Au vu du peu de temps dont il dispose, il faut tenter de sauver ce qui peut l’être.
Si au lendemain du 14 janvier 2011, le tourisme tunisien espérait une révolution, il ne cherche plus, du moins pour le moment, qu’à maintenir les acquis et sauver l’été qui représente le plus gros du chiffre d’affaires de l’année.
Actuellement les chiffres sont dramatiquement en baisse et les vacances de Pacques s’annoncent rouges avec aucune visibilité. Mohamed Jrad, directeur de l’hôtel Radisson Djerba reconnaît non sans amertume que: «Cet hiver est le pire qu’il connaisse depuis plus de 20 ans. Nous sommes à -30% par rapport à 2012 et à -50% par rapport à 2011. A Djerba, les prix sont horriblement cassés et on trouve la semaine à 250 euros! Jusqu’ici préservée, l’île est frappée de fermeture de plusieurs structures, le produit se détériore et la crise frappe le moral et les portefeuilles des opérateurs en plus des bouderies des clients.
Si le nouveau ministre devra aussi choisir de travailler ou pas sur les dossiers épineux qui fâchent, à commencer par celui de l’endettement du secteur -un dossier qui a souvent plombé les rapports des ministres qui l’ont précédés avec les professionnels-, il devra «taper du poing» pour assurer la propreté et les nettoyages des zones touristiques, vérifier si le traitement des moustiques y a été fait, soutenir toutes les initiatives de nature à rassurer, veiller à faire animer les zones touristiques, démultiplier les événements pour faire repartir autant que faire se peut la confiance…
Un avis que résume parfaitement un responsable au tourisme tunisien: «Le gouvernement aura au mieux 7 à 8 mois de vie, alors quelle que soit la valeur d’un ministre, il ne pourra pas faire de miracle. Le secteur est en détresse. Il faut d’abord de la médecine d’urgence en espérant que la mise en œuvre de la stratégie 2016 pourra avancer et préparer le terrain pour demain».
Au vu du délai très court qui est accordé à ce ministre et d’ailleurs à l’ensemble du gouvernement pour mener à bon port le paquebot Tunisie, il est clair que la capacité de sortir le tourisme de son marasme est fortement liée à la transition démocratique dans le pays. Il s’agit d’établir un calendrier précis avec des jalons réalisables pour l’adoption de la nouvelle Constitution et la tenue des prochaines élections.