ège de Renault à Boulogne-Billancourt, le 18 janvier 2013 (Photo : Bertrand Guay) |
[13/03/2013 06:44:36] PARIS (AFP) Pour supprimer plus de 15% de ses effectifs sans plan social et gagner encore en compétitivité et flexibilité, Renault s’est largement appuyé sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), un outil d’anticipation qui n’est pas pour un autant un pare-feu à la crise.
La GPEC est “la matrice de l’accord de compétitivité” de Renault, estime Ridha Ben Hamza. Ce professeur de droit prédit “une nouvelle jeunesse” au dispositif qui va “retrouver sa place et ne plus être un simple gadget” utilisé par une poignée d’entreprises.
Renault est un adepte de longue date de cet outil, baptisé “GPEC” avec la loi pour la Cohésion sociale de 2005 qui oblige les entreprises de plus de 300 salariés à en négocier une tous les trois ans.
La GPEC doit permettre à l’entreprise de prévoir sur plusieurs années ses besoins de main d’oeuvre et de formation. L’objectif : “Mieux anticiper les effets sur l’emploi des mutations économiques, technologiques, sociales et démographiques”, selon le ministère du Travail.
Après un plan de départ volontaires en 2009 (4.000 postes à supprimer et 1.000 dans ses filiales), Renault opte en 2011 pour la GPEC –signée par les syndicats CFE-CGC, CFDT, CFTC et FO– qu’elle dote d’un véritable arsenal pour décupler la flexibilité et la mobilité : prêt de main d’oeuvre à une entreprise extérieure, prime au départ en cas de démission pour un emploi à l’extérieur, reconversion professionnelle, congés sabbatiques, congés de création d’entreprise, etc.
La direction instaure aussi une dispense d’activité permettant aux plus de 58 ans un départ anticipé à la retraite au titre de la pénibilité en usine (3.000 salariés éligibles sur trois ans).
La GPEC 2011 prévoyait aussi des embauches : sur les 400 prévues dans les sites industriels, le pacte a été quasiment honoré à ce jour, mais le compte n’y est pas dans l’ingénierie (600 embauches sur les 1.600 prévues), selon des syndicalistes.
Trois ans plus tard, mettant en avant un marché européen exsangue, Renault veut encore gagner en compétitivité, et s’appuie pour se faire sur la GPEC : elle sera prolongée jusqu’en 2016, et certaines de ses mesures seront renforcées. Cette fois-ci, 8.260 suppressions de postes sont prévues.
Pour la CGT, les 760 embauches évoquées “ne peuvent pas compenser les départs naturels prévus” et vont “aggraver encore davantage les conditions de travail des personnels en place”.
En 2011, Renault employait 55.000 personnes en France, 44.642 en 2013. Les effectifs devraient chuter à 37.142 fin 2016.
Loin de voir dans cette GPEC un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) déguisé, certains syndicalistes louent les aspects positifs du dispositif.
“L’automobile est une industrie qui évolue” et la GPEC offre “une vraie cartographie des métiers”, relève ainsi Laurent Smolnik (FO).
“L’accord de GPEC oblige l’entreprise à anticiper et permet peut-être d’éviter un PSE, on est capable de détecter les tendances et les mouvements longs. La GPEC a été un outil très favorable pour nous car globalement on s’est appuyé sur des choses qu’on connaissait, un outil qui a permis de cadrer d’avantage cet accord de compétitivité, on ne part pas à l’aventure”, estime par ailleurs Dominique Chauvin (CFE-CGC).
“La GPEC n’est pas un médicament contre les restructurations, mais elle permet quand on est exposé à des aléas et à une forte situation concurrentielle, que les salariés ne soient pas victimes de ce qui se passe”, analyse Patrick Gilbert, professeur à l’IAE de Paris. Elle consiste, “avec l’idée d’un partage de responsabilités entre les employeurs et salariés sur le devenir des emplois”, à “mettre à la disposition du salariés des armes (bilan de compétences, formation, mobilité)”, résume ce professeur coordinateur d’un rapport sur la GPEC. “On s’efforce de limiter les chocs et de préparer les gens. La tendance est à beaucoup moins de prévision, beaucoup plus de prévention”.
“La mise en place de l’accord est basée sur des hypothèses de marché, si en 2014 il y a un crash économique, des choses se passeront (…) Jamais aucun accord GPEC n’empêchera de recourir à un PSE”, constate M. Chauvin.
Les cas d’ArcelorMittal à Florange ou de PSA à Aulnay en sont la preuve.