Le gouvernement provisoire fait flèche de tout bois, ces temps-ci, pour faire adopter par l’Assemblée nationale constituante (ANC), en cette période de crise politique, la convention qu’il s’apprête de conclure avec le Fonds monétaires international (FMI) et en vertu de laquelle le Fonds accorderait à la Tunisie et à titre de précaution un crédit stand-by de 2,5 milliards de dinars.
En dépit des justifications du gouvernement, beaucoup d’experts et autres partis politiques voient dans ce crédit un plan d’ajustement structurel déguisé. Ce sinistre plan, adopté une première fois, en 1986, par la Tunisie alors qu’elle était au bord de la banqueroute, est un programme de réformes que les institutions de Brettons Wood recommandent aux pays touchés par de grandes difficultés économiques.
Il s’agit d’un ensemble de dispositions dont certaines agissent sur la conjoncture, c’est-à-dire sur le court terme en optant pour une politique d’austérité, et d’autres sur les structures avec comme philosophie la réhabilitation de l’économie du marché et comme point d’orgue le désengagement de l’Etat au profit des privés.
L’objectif est de modifier le modèle économique du pays dans la mesure où une institution comme le FMI conditionne son aide à la mise en place de réformes qu’il considère pérennes. Il s’agit des fameuses conditionnalités, chastement appelées “étapes de suivi du PAS“. Celles-ci consistent à privatiser les entreprises publiques, à instituer la sous-traitance, à réduire de manière drastique la compensation, à sabrer dans les pensions des retraites et des salaires des fonctionnaires, à ouvrir le marché local aux investisseurs étrangers et à libéraliser au maximum les prix et les échanges économiques.
Pour revenir au crédit stand-by de 2,5 milliards de dinars négocié avec le FMI, Elyes Fakhfakh, ministre des Finances a tenu à préciser, au cours d’une interview accordée à Radio Express Fm, que «ce prêt structurel» n’est pas un PAS comme c’était le cas en 1986 mais tout juste une précaution pour anticiper sur certains risques que peut encourir le pays, voire une assurance en cas de chocs exogènes.
Parmi ces risques, il a cité la poursuite de la récession dans la Zone euro, principal débouché des exportations tunisiennes, la détérioration de la situation géostratégique au Moyen-Orient et son éventuel corollaire l’accroissement du cours mondial du pétrole.
Il a ajouté que le Fmi n’a pas imposé de conditions à la Tunisie et que les négociations avaient porté sur les réformes. «Celles-ci sont déjà engagées et concernent la restructuration bancaire, la réforme de la Caisse de compensation, le Code d’investissement, la fiscalité et la bonne gouvernance», a-t-il-dit.
Les experts ont un autre avis. Dans une interview accordée au quotidien La presse de Tunisie, l’économiste Mongi Smaïli estime que ce PAS déguisé risque, pour peu qu’il soit adopté, «de plonger le pays dans le chaos». Il explique sa thèse par l’inefficience du PAS. Selon lui, «le résultat du premier PAS était d’une performance moyenne à l’échelle macroéconomique et n’a pas permis un décollage économique comparé aux pays du sud-est asiatique, et cerise sur le gâteau, il a généré beaucoup d’injustice sociale et régionale».
Deuxième grief de Mongi Smaïli à l’endroit de ce futur PAS, il considère que son timing est très mal choisi en ce sens où, contrairement aux directives du FMI qui prévoient le désengagement de l’Etat, «les impératifs de la prochaine étape en Tunisie nécessitent une intervention massive de l’Etat, particulièrement dans les zones déshéritées où l’investisseur privé n’irait pas».
Quant au pompier (FMI), Amine Mati, chef de mission pour la Tunisie auprès du FMI, se veut menaçant en déclarant en substance au même journal qu’au cas où la Tunisie ne finaliserait pas cet accord, «l’ajustement serait encore plus difficile si les ressources du FMI n’étaient pas disponibles, car il faudrait –en absence de possibilité d’emprunter- réduire les dépenses ou augmenter les revenus … par la planche à billets».
Le Fmi prévoit ainsi un bien triste scénario pour la Tunisie au cas où elle arrêterait les négociations pour l’obtention de ce crédit.
Cela dit, nous pensons que ce gouvernement, comme ses prédécesseurs au temps de Ben Ali, est un farouche partisan des solutions de facilité, et surtout au recours facile à l’endettement alors que si jamais il s’emploie à lutter contre le gaspillage, à intensifier le contrôle économique, à encourager la production et à élargir l’assiette fiscale, il dégagerait d’importantes ressources propres à nous épargner ces difficultés annoncées.