Une étude sur la performance du système des subventions en Tunisie, élaborée par l’Institut national de la statistique (INS) en collaboration avec le Centre de recherches et des études sociales (CRES) et la Banque africaine de développement (BAD), a fait l’objet d’une conférence de presse tenue jeudi 14 mars 2013 au siège de l’INS et présidée par son directeur général, Jalaleddine Berrajab.
Le principal objectif de cette étude est d’examiner la performance des filets de protection sociale quant à l’atténuation des inégalités et la réduction de la pauvreté en Tunisie. «Ces analyses serviront de base pour la formulation de recommandations politiques aux décideurs quant aux réformes à adopter pour un système de subventions plus efficace et mieux ciblé», a indiqué M. Berrajab.
Les résultats de l’étude ont montré que le caractère universel des subventions alimentaires nuit à l’efficience de cet outil en tant que mécanisme de lutte contre la pauvreté. En effet, selon les données de l’enquête nationale sur le budget et la consommation, les ménages tunisiens ont reçu 888 millions de dinars en subventions alimentaires dont uniquement 107 millions de dinars ont profité aux ménages pauvres.
En outre, il en ressort que seulement 9,2% des subventions vont aux ménages les plus pauvres, 60,5% aux ménages de la classe moyenne, 7,5%à la population riche et 22,8% sont transférés hors ménages (cafés, restauration, touristes, commerce illégal transfrontalier), soit 262 millions de dinars.
«Alors que les ménages pauvres représentent près de 15,5% de la population tunisienne, ils ne perçoivent que 9,2% de la masse totale. La subvention s’avère ainsi inéquitable entre la population pauvre et non pauvre», a-t-il expliqué.
Cependant, la simulation montre que la suppression éventuelle des subventions se traduirait par une augmentation de la pauvreté et de la pauvreté extrême. Et qu’à court terme, les ménages vulnérables ne peuvent pas ajuster immédiatement leur consommation à la suite d’une hausse des prix de produits alimentaires de base. Dès lors, une suppression des subventions aux produits alimentaires de base engendrerait une augmentation de 3,6 points du taux de pauvreté, et ce sont 400.000 individus de la classe moyenne qui basculeront dans la pauvreté, ce qui ferait passer le taux de pauvreté, à court terme, de 15,5% à 19,1%. Cette augmentation serait plus forte en milieu rural, passant de 22,6% à 27,6%.
De plus, les analyses ont montré que certains produits, à l’instar de la farine et de la baguette de boulanger, sont consommés par les ménages aisés. Alors que la semoule, le gros pain et l’huile végétale sont les plus consommés par les ménages pauvres. «A cet égard, une éventuelle augmentation des prix de ces produits aurait un impact négatif sur le bien-être des plus démunis», estime M. Berrajab.
Toujours selon les résultats de l’analyse, la subvention annuelle moyenne perçue par individu diffère entre les classes de population, et ceci au détriment des plus pauvres. En effet, alors qu’un pauvre bénéficie de 64 dinars, le non pauvre bénéficie quant à lui de 87 dinars. «Autrement dit, un pauvre perçoit en moyenne près de 23 dinars de moins de subventions annuelles en produits alimentaires de base qu’un non pauvre», regrette le DG de l’INS.
Valeurs estimées de la subvention annuelle moyenne par tête selon la classe de la population
Le système actuel des subventions n’est pas performant …
L’étude a démontré que le système des subventions actuel est moins performant que le système le plus primitif consistant à un transfert direct et unique à l’ensemble des citoyens. Il en ressort ainsi qu’une redistribution directe et égalitaire des montants alloués aux subventions aurait un impact positif à la fois sur la pauvreté et la pauvreté extrême.
Dans une telle situation, la pauvreté baisserait de 0,3 point. Quant à la pauvreté extrême, elle passerait de 4,6% à 4,1%, soit une régression significative de 0,5 point.