En prévision des prochaines élections générales, les sondages sont unanimes pour relever que contrairement aux dernières élections auxquelles avaient participé plus de cent partis, seules trois forces politiques, en l’occurrence Nidaa Tounès – Ennahdha – le Front populaire- se partageront, lors les prochaines élections générales, le plus clair des voix des Tunisiens même si, selon le dernier sondage de Sigma Conseil, 60% d’entre eux ne font confiance à aucune personnalité politique dans le pays.
Dans une communication d’excellente facture faite en marge de l’assemblée générale de l’Association Action et Développement Solidaire (ADS), Hassen Zargouni, économiste statisticien diplômé de l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE, Paris) et PDG du cabinet de sondage Sigma a présenté la recette que tout parti désireux d’accéder au pouvoir se doit de prendre en considération pour remporter les prochaines élections.
Il estime que pour gagner les prochaines élections présidentielle, législatives et municipales, les partis qui jouent pour le titre doivent disposer de beaucoup d’argent, d’un réseau d’antennes régionales et locales très dense et de l’appui voire de la sympathie des médias.
De prime abord, c’est le parti Ennahdha qui part favori pour une raison très simple. Il dispose de beaucoup d’argent dont on ne connaît pas, jusque-là, la provenance, et ce en dépit de la disponibilité dans le pays d’une loi sur le financement des partis. Le seul dirigeant nahdhaoui qui a osé aborder ce sujet, c’était Noureddine B’hriri. Il a parlé d’un budget qui avoisinerait les 500.000 dinars.
Ennahdha a, également, le meilleur réseau dans le pays. Quelque 5.000 mosquées et imams chapeautés par tout un ministère (puissante logistique administrative) sont à sa disposition.
Dans «ces fusées qui ne décollent jamais» comme on dit, ses adhérents sont briefés cinq fois par jour avec pour point d’orgue un cours magistral hebdomadaire, le prêche du vendredi.
Ennahdha dispose également d’un important tissu associatif. Dérivées d’Ennahdha, des associations d’obédience islamique, dotées d’importants budgets et de logistiques imposantes (moyens de transport lourds) sont chargées de la sale besogne d’acheter les consciences des pauvres gens dans le monde rural et des zones suburbaines. Ces associations sont particulièrement très actives et surtout très généreuses.
A titre indicatif, elles s’étaient permises le luxe, au mois de février dernier, de distribuer à des montagnards déshérités du Nord-ouest des réfrigérateurs, des machines à laver et autres équipements électroménagers alors que ces pauvres gens n’étaient pas alimentés ni en électricité ni en eau potable.
Au rayon des médias, Ennahdha n’était pas favorisée au commencement. Mais, pour combler ce handicap, elle a mis son accès au pouvoir et aux postes de décision pour geler les décrets-lois 115 et 116 régissant la presse écrite et l’audiovisuel, ce qui a permis à plusieurs journaux et chaînes de télévision d’obédience islamiste de voir le jour. Parmi celles-ci, figurent Zaytouna, Al Moutawassit et El Watania après son islamisation.
Quant à Nidaa Tounès, ce parti a l’avantage d’être un parti riche. Ses dirigeants, comme Mohsen Marzouk, n’hésite pas à le dire sur les plateaux de télévision. Mais, le récent conflit entre un de ses argentiers, en l’occurrence Faouzi Elloumi et les dirigeants du parti risque d’affaiblir énormément ce parti.
Nidaa Tounès a par contre l’appui des médias laïcs qui n’y voient pas une idéologie mobilisatrice mais tout juste une machine électorale hétérogène capable de tenir tête à Ennahdha.
Ce parti ne bénéficie pas de réseaux en raison du black out que lui a imposé son rival Ennahdha par le biais de ses milices des Ligues de protection de la révolution. Pour mémoire, ce parti n’a jamais tenu un meeting à ciel ouvert. Toutes ses réunions étaient tenues dans des salles fermées et ses contacts avec le reste de la population ont été, toujours, faits par le canal des plateaux radiophoniques et télévisés. Sur le pan de la réseautique, ce parti est sérieusement handicapé.
Vient ensuite le Front populaire, ce parti qui se veut la voix des pauvres n’a pas d’argent mais jouit, par contre, de la sympathie des médias et, sur le plan réseautique, de l’appui de la centrale syndicale (ce qui est énorme), des classes moyennes et des régions déshéritées du Centre-ouest et du Nord-ouest.
Le capital sympathie qu’il a acquis suite à l’assassinat du leader Chokri Belaid ne manquera pas de l’encourager à croire en ses chances. L’émergence sur la scène d’un nouveau leader comme Mongi Rahoui dont les analyses pertinentes, le courage d’affronter l’adversaire et le sens de l’intérêt supérieur du pays commencent à accrocher les Tunisiens.
Quant au leader historique du Front, Hammam Hammami, il nous semble qu’il a tout intérêt à oublier ses longues années en prison, à conférer aux programmes du Front plus de pragmatisme, à se montrer moins sur les chaînes de télévision et à soigner plus ses discours que son look.