La Tunisie fête le 20 mars 2013 ses cinquante-sept années d’indépendance. Des années d’indépendance qui ont fait une part belle à des choix économiques qui ont connu, comme toute entreprise humaine, des réussites mais également des échecs.
20 mars 1956-20 mars 2013. Voilà cinquante-sept ans que la Tunisie est indépendante. Une indépendance que les militants destouriens, qui prennent les rênes du pays, aux lendemains du 20 mars 1956, vont très vite vouloir utiliser pour changer le cours de l’histoire.
Gouvernement tunisien intégrant les ministères de souveraineté, promulgation du Code du statut personnel, promulgation de la République (en mettant fin à un règne de quelque deux cents cinquante années des Husseinites), promulgation d’une nouvelle Constitution… Très vite des choix clairs sont faits.
Des décisions politiques. Mais aussi économiques. La BCT (Banque Centrale de Tunisie) naît en 1958 (septembre). Et avec elle, une monnaie nationale: le dinar (octobre). Parallèlement à cela, le pays libère l’économie de la mainmise et du contrôle du protectorat français.
De 1956 à 1965, l’heure est à la nationalisation de l’économie. Des pans entiers de l’appareil productif (mines, énergie, transport, banques,…) sont repris en main par l’Etat. Des établissements qui pèsent encore dans l’appareil productif sont créés : la SNCFT (Société nationales des chemins de fer tunisiens), la STB (Société tunisienne de Banque), la CTN (Compagnie tunisienne de navigation), la SONEDE (Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux),…
La «décolonisation économique»
Dans le même ordre d’idées, l’Etat œuvre, sous la férule du ministère du Plan, à doter le pays d’institutions et pour initier des actions de développement. Un homme va peser de tout son poids et de sa stratégie pour faire des plans de développement (à partir de 1961) un outil de cette politique économique qui engage le pays sur la voie de son indépendance : Ahmed Ben Salah. Les plans économiques, dont il est l’artisan, disent noir sur blanc que l’objectif n’est tout autre qu’assurer «la décolonisation économique» de la Tunisie.
Acte symbolique dans l’affirmation de cette «décolonisation économique»: le président Habib Bourguiba décide le 12 mai 1964 de décréter l’expropriation des terres en possession des colons français et italiens. La date du 12 mai 1881 (la signature de l’installation du protectorat français en Tunisie) était dans l’esprit de Bourguiba qui a signé l’acte d’expropriation sur la table qui a servi à signer le texte du protectorat du Bardo.
La politique initiée dans les premières années de l’indépendance sera marquée aussi par la création de grandes entreprises nationales dans les régions que l’on souhaite avoir un effet d’entraînement. C’est le cas de la STIR (Société tunisienne des industries de raffinage) à Bizerte, et de la STIA (Société tunisienne d’industries automobiles) à Sousse.
Une politique qui va se poursuivre avec la création de la STS (Société tunisienne de sucre) à Béja, de la Société nationale de cellulose et de papier Alfa (SNCPA) à Kasserine, ou encore la CTC (Compagnie tunisienne de chaux) dont l’usine est installée à Thala.
S’il est vrai que les années 60 vont être marquées par une forte volonté d’asseoir une indépendance économique, elles vont être aussi marquées par le choix de l’étatisme et surtout par une politique de «collectivisation» des terres.
Rectifier le tir
A la fin des années 60, Bourguiba va décider de rectifier le tir. Il choisit d’engager une politique libérale et appelle à la rescousse un autre homme qui va façonner, à son tour, le pays: Hédi Nouira.
Premier ministre des années 70, il va aider à l’établissement d’une économie capitaliste qui donnera –force est de le reconnaître- des fruits. Le pays va booster l’industrie, les services mais aussi l’agriculture. La création d’emplois se développe.
Mais comme pour la période précédente (les années 60), les années libérales vont montrer des défaillances. Qui vont être ressenties jusqu’à aujourd’hui: une concentration de l’industrie au tour de quelques secteurs (textiles, cuir et chaussures et tourisme) et le renforcement des inégalités régionales. Les gouvernorats de la côte méditerranéenne vont se développer davantage que les gouvernorats de l’intérieur qui connaissent une forte émigration vers les premiers gouvernorats.
Les dernières années de Bourguiba après le départ de Hédi Nouira (1981-1987) seront difficiles parce que marquées par une grande crise avec la dépendance de certains produits (pétrole, phosphates, textile et tourisme).
Le pays est livré à des affairistes
Les années Ben Ali ouvrent une nouvelle ère marquée par une plus grande intégration de l’économie tunisienne dans celle du monde: le pays obéit au FMI (Fonds monétaire international) et intègre une zone de libre-échange avec l’Union européenne.
Mais le pays va très vite sombrer dans le chômage et notamment ceux des diplômés du supérieur et dans l’affairisme essentiellement de la famille du président. Ben Ali donne l’impression, au cours des premières années, de vouloir lutter contre les disparités régionales. Mais les choses ne changent pas. Pis encore : le pays est livré au népotisme et à la cleptomanie d’une caste qui se croit tout permis.
Le 14 janvier 2011 –que d’aucuns considèrent comment l’aboutissement des événements de Gafsa en 2008-, la pression révolutionnaire est tellement forte que Ben Ali est obligé de s’enfuir. Les gouvernements qui s’installent trouveront un large passif. Ils auront peut-être aussi le «malheur» de vivre à l’heure d’une insécurité que le pays n’a jamais connu depuis des décennies. Ils devront aussi faire avec une pression populaire qui veut tout et tout de suite. Le pays a fonctionné longtemps à force de grèves, de sit-in et de blocages de toutes sortes qui ont souvent paralysé l’outil de production.
Sans doute aussi mal préparés à l’exercice du pouvoir et devant faire face à un environnement économique fait d’une Europe, principal partenaire, qui vit une récession, les gouvernements conduits par Ennahdah vont un tant soit peu patauger.
Nombre d’indicateurs économiques (chômage, inflation et balance des paiements notamment) sont aujourd’hui au rouge. Et la confiance se perd en interne et en externe: les agences de notation s’évertuent à faire baisser la note souveraine du pays.
Récemment, l’ancien gouverneur de la BCT, Mustapha Kamel Nabli, soutenait que la transition économique a coûté cher à la Tunisie: 14% de son PIB.
Jusqu’à quand ?