à Moscou, le 20 mars 2013 (Photo : Alexander Nemenov) |
[20/03/2013 15:18:52] MOSCOU (AFP) Le ministre chypriote des Finances a entamé mercredi à Moscou de difficiles négociations avec la Russie, déterminée à obtenir le maximum en échange de la poursuite de son soutien financier à l’île au bord de la faillite.
Arrivé mardi soir à Moscou, Michalis Sarris a d’abord rencontré mercredi son homologue russe Anton Silouanov puis le Premier vice-Premier ministre Igor Chouvalov, sans qu’une annonce ne soit faite sur un accord.
La délégation chypriote a annulé une conférence de presse prévue initialement en début d’après-midi.
Nicosie demande une extension du crédit de 2,5 milliards d’euros accordé par la Russie en 2011, que Chypre doit finir de rembourser en 2016.
“Les Russes sont des négociateurs coriaces (…) mais ce n’est pas dans leur intérêt que Chypre fasse défaut” au risque de perdre leurs dépôts si les banques s’effondrent, relève Ivan Tchakarov, économiste chez Renaissance Capital.
“Le problème, c’est ce qu’elle peut obtenir en échange”, ajoute-t-il.
Le ministère chypriote des Finances s’est dit prêt à accorder à Moscou de “nouveaux investissements”.
Des informations de presse non confirmées ont évoqué un possible intérêt des sociétés russes pour un soutien financier en échange de participations dans des banques ou dans des projets d’extraction d’hydrocarbures au large des côtes méridionales de l’île.
“Nous avons eu une discussion très bonne, honnête et ouverte”, a déclaré mercredi le ministre chypriote à l’issue de son entretien avec M. Silouanov.
Selon les agences russes, les négociations devaient se poursuivre jeudi, coïncidant avec une visite programmée du président de la Commission européenne José Manuel Barroso à Moscou. Celui-ci doit rencontrer le président russe Vladimir Poutine.
Le gouvernement russe a répété a plusieurs reprises ces derniers mois qu’il était prêt à un assouplissement des conditions du prêt accordé à Chypre.
Mais après l’annonce du plan de sauvetage européen, Anton Silouanov, critiquant un projet mis sur pied sans concertation, a menacé de revenir sur cette proposition.
Moscou a été piqué au vif par l’idée de la taxe sur les dépôts bancaires, de 9,9% pour les comptes dépassant 100.000 euros, qui met à contribution les fortunes russes placées sur l’île au régime fiscal très favorable.
Le nouveau ministre français du Budget, Bernard Cazeneuve, a déclaré qu’il n’était “pas choqué qu’on appelle un certain nombre d’oligarques russes à procéder au redressement du pays”.
Vladimir Poutine, qui s’est entretenu mardi soir avec le chef de l’Etat chypriote Nicos Anastasiades, lui a rappelé sa “préoccupation” concernant toute mesure pouvant constituer “un préjudice pour les intérêts russes” sur l’île.
Le milliardaire et candidat à l’élection présidentielle de 2012 Mikhaïl Prokhorov a fustigé dans le journal Vedomosti “une expropriation”. Il a appelé Chypre à considérer la Russie comme un partenaire au même niveau que l’UE pour sortir de la crise.
“Vu l’implication de la Russie dans cette économie, pourquoi personne ne l’a prévenue?” s’interroge Ivan Tchakarov.
“Quand on a donné un prêt qui représente 15% du produit intérieur brut du pays, il n’est pas absurde de participer aux négociations, ou au moins d’être informé”, poursuit-il, interrogé par l’AFP.
Le montant des avoirs russes à Chypre varie fortement selon les estimations mais l’agence Moody’s les évalue à 31 milliards de dollars. Cela représente plus du tiers de tous les dépôts bancaires sur l’île, qui conteste son image de lessiveuse d’argent sale.
En tout, les économistes de la banque Sberbank estiment que les pertes subies par les Russes représentent environ 40% des 5,8 milliards d’euros que devait rapporter la taxe bancaire en plus d’une aide internationale de 10 milliards d’euros.
Pour Alexeï Moukhine, directeur du Centre d’information politique, Nicosie, après avoir fait peuve de “manque de loyauté” vis-à-vis de la Russie, va lui proposer “de renforcer sa présence dans les secteurs bancaires et énergétiques”.
Mais “même si la Russie aide Chypre, les capitaux russes en partiront quand même”, prévient l’analyste.