énat (Photo : Joel Saget) |
[22/03/2013 19:06:23] PARIS (AFP) Alors que la crise financière chypriote secoue l’Europe, le Sénat a adopté, à son tour, en première lecture le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires qu’il a durci notamment en matière de paradis fiscaux et de rémunération des banquiers.
La réforme bancaire déjà adoptée par l’Assemblée nationale le 19 février a été largement votée par les sénateurs, par 159 voix pour et zéro contre, une fois n’est pas coutume. La droite UMP et la majorité de l’UDI-UC (centriste) se sont abstenues ainsi que le CRC(communistes). Le PS et ses alliés écologistes et radicaux de gauche (RDSE) de la majorité gouvernementale ont voté pour ainsi que trois centristes.
“La France va envoyer un message très ferme, alors que dans les six prochains mois, l’Europe doit transformer l’essai en matière de stabilité financière, d’union bancaire – que la situation de Chypre rend plus impérieuse encore – et de régulation des marchés”, a déclaré le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, qui défendait le texte.
Le projet de loi sépare les activités les plus spéculatives et la banque de détail sans aller jusqu’à la scission promise par François Hollande durant la campagne présidentielle. Il cantonne les activités spéculatives des banques non utiles à l’économie dans une filiale séparée et prévoit une supervision renforcées des activités de marché et l’interdiction des activités spéculatives sur dérivés de matière première agricole ou via le trading à haute fréquence.
Le ministre a assumé “ce choix de ne pas retenir une option qui aurait risqué de mettre en danger le financement de nos entreprises sans traiter les causes de la crise”, rappelant que “cette industrie emploie tout de même 400.000 personnes en France”.
Le texte oblige les banques à publier des informations sur leurs activités à l’étranger, paradis fiscaux inclus, et restreint les frais de certains usagers des banques.
Le Sénat a durci certaines obligations de transparence des banques notamment en matière de paradis fiscaux prévoyant en outre une sanction pour les contrevenants. Il a développé l’arsenal de lutte contre les manipulations sur les matières premières agricoles, les abus du trading à haute fréquence et des hedge funds.
Il a commencé à encadrer les rémunérations des banquiers et traders en permettant à l’assemblée générale des actionnaires d’être consultée sur ces rémunérations et en cas de faillite les bonus pourront être annulés.
Les sénateurs ont étoffé le volet consommation en introduisant un plafonnement spécifique et plus bas pour les “plus fragiles”, en renforçant la lutte contre le surendettement et la recherche des bénéficiaires des contrats d’assurance-vie non réclamés, en encadrant les pratiques des contrats obsèques.
Le gouvernement a introduit par amendement la création d’une Agence de financement des collectivités réclamée depuis longtemps par toutes les associations d’élus.
Philippe Dallier (UMP) a ironisé sur le caractère non “révolutionnaire” du texte. “Ce texte décevra beaucoup de sympathisants de gauche”, a-t-il dit évoquant le discours de campagne de François Hollande contre la finance. “N’est pas Roosevelt qui veut (…) nous nous réjouissons de ce retour à la réalité”, a-t-il lancé.
“Quelles que soient ses faiblesses, ce projet est un signal fort pour limiter les excès du système financier”, a soutenu Nicolas Alfonsi (RDSE).
Muguette Dini (UDI-UC), dont les amendements améliorant la lutte contre le surendettement ont été adoptés, a annoncé qu’elle votait pour ainsi que sa collègue Nathalie Goulet “enthousiaste”.
La communiste Brigitte Gonthier-Maurin est en revanche “restée sur sa faim” car à ses yeux “les évolutions retenues sont extrêmement limitées, l’essentiel des activités de marché n’ayant pas été distinguées”. Elle a noté toutefois “des avancées” notamment sur les paradis fiscaux.
“Ce texte pionnier en Europe sera un encouragement puissant dans les négociations de Bruxelles sur la régulation”, a souligné Jean-Pierre Caffet (PS). L’écologiste Jean Désessard a vivement félicité le gouvernement ajoutant: “nous disons stop à la démesure, il faut réguler”.
Le texte va maintenant retourner à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture.