étier sur une machine à coudre industrielle, le 23 mars 2013 à Alep (Photo : Bulent Kilic) |
[24/03/2013 11:42:13] ALEP (Syrie) (AFP) “Nous, les Alépins, sommes connus pour être des travailleurs”, tout en surveillant une dizaine d’employés penchés sur leurs machines à coudre industrielles, Mohammad fait fièrement visiter son entreprise dans la capitale économique de la Syrie plongée dans la guerre.
Dans cet immeuble du quartier de Chaar (est), le bruit assourdissant des machines coréennes a remplacé celui des bombardements et des tirs, qui se sont récemment faits plus rares.
Inlassablement, une dizaine de jeunes hommes, dont certains étaient encore écoliers avant que la guerre ne gagne il y a neuf mois la métropole du nord syrien, placent sous les aiguilles des bavoirs et des tee-shirts pour bébé frappés de l’insigne du club de football espagnol “Barcelona”.
Ibrahim, 27 ans dont près de quatre dans cette entreprise qui vend ses vêtements en Irak, a dessiné sur l’ordinateur le sigle frappé sur fond orange et ensuite cousu sur de petits maillots bleus ou rouges.
“On a choisi Barcelona, parce que ce sont les clients qui veulent ça, moi je ne soutiens aucun club, je suis toujours avec le gagnant”, lâche-t-il dans un sourire sans quitter des yeux son ouvrage.
A travers les allées, on choisit son camp quand il s’agit de foot, mais dès qu’est évoquée la guerre civile qui déchire le pays, rebelles et régime s’affrontant désormais dans toutes les provinces syriennes, les visages se ferment.
Mohammad, qui achète des matières premières dans les quartiers tenus par l’armée pour les rapporter dans son usine côté rebelles, explique laconiquement: “Je ne suis avec personne. Je ne suis qu’un petit citoyen qui ne comprend pas tous les enjeux politiques”.
“La seule chose que je constate, c’est que maintenant il y a des armes partout autour de moi. J’habite à 10 minutes de l’entreprise en voiture, mais je ne rentre chez moi que le week-end. Ma femme et mes quatre enfants sont seuls à la maison car j’ai peur de prendre la route”, poursuit-il.
Flambée des prix
à Alep (Photo : Bulent Kilic) |
Parce qu’Alep s’enorgueillit de sa tradition commerçante et de son histoire de centre économique du Moyen-Orient, leur entreprise n’a fermé que quelques jours au plus fort des combats, assure Mohammad en égrenant les perles de son chapelet.
Mais les tirs, les bombardements et la peur ont fait fuir de nombreux employés.
“Il y a des gens qui ont préféré fuir la région, d’autres qui sont restés. Moi, pourquoi je devrais partir? Dieu pourvoira”, affirme Hicham, 18 ans, évoquant ses collègues qui ont rejoint les rangs des millions de déplacés et de réfugiés en Syrie et dans les pays voisins.
“Les gens ne veulent pas en être réduits à voler, il faut bien qu’ils travaillent pour pouvoir manger”, affirme Mohammad, qui regrette le temps où quelque 150 employés s’affairaient dans plusieurs ateliers 24 heures sur 24.
Aujourd’hui, les machines ne tournent plus que huit heures par jour grâce à de coûteux générateurs dans cette ville en grande partie privée d’électricité.
Et pour ceux qui sont restés comme lui, en plus des bombardements, il faut faire face à la flambée des prix, comme l’explique Ahmad, 25 ans et deux enfants à nourrir.
“C’est dur de travailler avec les événements mais je dois m’occuper de ma famille. Tout est devenu plus cher mais les chefs d’entreprise nous payent bien et grâce à nos salaires nous pouvons faire face au coût de la vie”, dit-il.
Selon Mohamed, les employés touchent 3.500 livres syriennes par semaine (environ 35 dollars). A Alep, un paquet de cigarettes coûte désormais 70 livres syriennes, et le kilo de viande 800 livres syriennes, un luxe que beaucoup ne peuvent plus se permettre.
En janvier, la Syrie avait accusé son voisin turc de piller ses usines de la région d’Alep, appelant l’ONU à agir pour mettre fin à ce qu’elle avait qualifié d'”acte illégal d’agression qui s’apparente à de la piraterie”.
“Environ un millier d’usines implantées dans la ville d’Alep ont été écumées et leurs biens transférés en Turquie avec l’aide du gouvernement” d’Ankara, avait alors écrit le ministère syrien des Affaires Etrangères dans un courrier adressé au Conseil de sécurité et au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon.