La satisfaction des Tunisiens quant à la situation sécuritaire de leur pays perd cinq points et s’établit à 33%, selon les derniers chiffres du cabinet de Sondages 3C études. Ces chiffres sont-ils à la mesure de l’horreur qui s’empare des Tunisiens complètement sous le choc des derniers faits que l’on range difficilement dans la catégorie des divers?
Alors que le quotidien des Tunisiens devient de plus en plus difficile à vivre, non seulement à cause de la hausse des prix et de la crise mais aussi et surtout à cause d’une insécurité généralisée et des diverses violences qui évoluent trop rapidement, le président provisoire, Moncef Marzouki, continue de libérer des prisonniers à chaque occasion.
Pas plus tard que le 20 mars, il a gracié un délinquant qui a provoqué la mort d’une jeune policière de 24 ans dans la région de Tajerouine quelques jours plus tard. A l’occasion du 57ème anniversaire de l’indépendance, il a décidé, sur un total de 1.609 dossiers proposés par la Commission spéciale d’amnistie relevant du ministère de la Justice, de gracier 366 détenus et de réduire la peine de 1.025 prisonniers.
Une attitude que ne comprend pas une grande partie des Tunisiens. Comment peut-on, lorsque l’on a si peu de ressources, gracier autant de condamnés? Qui les surveille? La justice n’est pas que répressive, elle peut être aussi éducative, mais il faut lui donner des moyens (dont le temps) que nous n’avons pas pour le moment.
Pourquoi l’exécutif défait ce que fait la justice? Pourquoi le président pardonne un crime que le juge a voulu punir par la prison? Le système sécuritaire tunisien passe depuis le 14 janvier par tellement de perturbations qu’en rajouter cela devient inconscient voire criminel.
Le jour de l’enterrement de Chokri Belaid, un homme errait au Jellaz. Perdu et triste avec un œil hagard, il n’était que l’ombre de lui-même. Au terme de plus de 30 minutes pour lui sortir un mot, il avoue sa haine pour Moncef Marzouki. «De son palais de Carthage, qu’est-ce qu’il sait des souffrances du peuple, de notre quotidien, de ce que l’on endure? Mon jeune fils a été tué par un criminel gracié par lui. Quelques mois auparavant, ce bandit s’en était pris à mon fils aîné. Pour se venger de son arrestation, il a ouvert le crane de mon jeune fils en deux…».
Depuis, le père endeuillé a quitté son domicile et son travail. Il erre de rues en rues et de villes en villes maudissant ce pays où, au nom des Droits de l’Homme, on se soucie plus des criminels que de la justice. Comme lui, Lylia Trabelsi, professeur de français, en veut tout autant à Moncef Marzouki pour avoir libéré le djihadiste Abou Iyadh. Condamné à 43 ans de prison, celui-ci sort des prisons tunisiennes en mars 2012 suite à l’amnistie accordée aux prisonniers salafistes.
Mais que se passe-t-il au juste en Tunisie? Cela dépend nettement pour qui? Selon Mustapha Ben Jaafar, président de l’Assemblée nationale constituante, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes puisque celle-ci (la Tunisie) «reste un havre de paix».
Sauf que les indicateurs ont du mal à dire la même chose que le président de l’ANC. Ils démontrent de plus en plus que la société glisse dans la dépression et la peur. Wahiba Douki, médecin spécialiste en toxicomanie à l’hôpital universitaire Fattouma Bourguiba à Monastir, révèle qu’une étude comparative entre les années 2010 et 2012 que le nombre de consommateurs de stupéfiants s’est multiplié par cinq. Une autre façon d’échapper à son quotidien!
Par encore, remis de l’épisode de la femme violée par trois policiers, et de celui plus récent d’une femme enceinte violée par trois délinquants alors qu’elle fêtait l’annonce de sa grossesse avec son mari au bord de la plage, lieu de leur première rencontre, une petite fille de trois ans a été violée par le gardien d’un jardin d’enfants de son quartier à La Marsa.
Les Tunisien sont sous le choc. Ils ont peur et ne savent plus comment faire face à toutes les violences qui ponctuent leur quotidien, face à ces dérives qui existaient certes et que l’on cantonnait dans les colonnes de la presse à scandales.
«Autour de moi, il n’y a presque personne qui n’ait pas été victime de vols, de viols, de braquages… Une amie à moi a été récemment cambriolée et les malfaiteurs ont violé ses deux filles et son fils de 12 ans», argumente Leila B. «Il ne fait plus bon rester dans la rue au delà de 19h00. Mais où va-t-on? Les villes sont fantomatiques, les Tunisiens stressés et sont de plus en plus nombreux à se ruer chez les psys». Et pourtant, Ben Jaafar affirme que notre pays est un havre de paix ! Il vit ce monsieur?
Samira Rekik est médecin. Elle rappelle que «les chiffres des malades en psychiatrie sont en hausse de 20% à l’hôpital Razi pour l’année 2012, et je ne parle pas de simples consultations, ce sont des malades diagnostiqués avec un trouble psychiatrique! Malheureusement, la majorité sont des femmes, qui ont pété les plombs par sentiment d’insécurité et de désespoir quant à l’avenir du pays, de leur famille, de leurs enfants…».
Sur son blog Boukornine, fortement suivi par des milliers d’internautes ne décolère pas: «Dans la Tunisie “postrévolutionnaire”, on condamne des jeunes gens à sept ans de prison ferme pour avoir publié une caricature sur Facebook, à deux ans de prison ferme pour avoir été cité dans des remerciements dans un générique final d’un clip de rap. On arrête encore des jeunes pour avoir fumé un joint, on arrête ceux qui ont fait la révolution et on les condamne à trente ans de prison, et le président de la République gracie les violeurs, les tueurs et les pédophiles».
Nombreux sont ceux qui ne comprennent pas ce que fait le président provisoire. Utilise-t-il la grâce présidentielle pour faire sa propre campagne? Sa chute dans les sondages le fait passer de 34% en janvier 2012 à 3,4% aujourd’hui. Une dégringolade qui en dit long sur effet de ses grâces!