Crise de l’euro : l’Allemagne inquiète d’être renvoyée à son passé nazi

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à Nicosie (Photo : Emily Irving-Swift)

[26/03/2013 11:15:15] BERLIN (AFP) L’Allemagne a réussi à imposer sa vision dans la résolution de la crise à Chypre mais elle en sort meurtrie et inquiète pour son image après avoir été durement critiquée et renvoyée à son passé nazi par des manifestants.

“La bataille pour sauver Chypre a laissé des blessures profondes dans la zone euro. Le prix du sauvetage est élevé: l’Allemagne est de nouveau le bouc émissaire”, commentait mardi l’hebdomadaire Spiegel sur son site internet.

“C’était déjà comme cela en Irlande, au Portugal, en Espagne, en Grèce, et c’est le cas maintenant à Chypre”, estimait encore le Spiegel. En Italie, la dernière campagne électorale a été marquée par l’exploitation de sentiments anti-allemands, notamment par Silvio Berlusconi et l’homme politique et ancien humoriste Beppe Grillo.

A chaque fois qu’un pays européen succombe à la crise de la dette et fait appel à l’aide de ses partenaires, le même scénario se reproduit: l’Allemagne est perçue comme le pays tirant les ficelles et imposant des plans d’austérité draconiens aux populations en échange d’une bouée de sauvetage financière.

Et la chancelière Angela Merkel, qui bat des records de popularité dans son pays pour avoir endossé un rôle de protectrice des intérêts allemands dans la crise de l’euro, est la cible préférée des manifestants dans les pays en crise. On l’a vue caricaturée en dirigeante nazie sur des banderoles portées par des manifestants à Chypre. Dimanche, le journal espagnol El Pais a dû retirer de son site une tribune comparant Merkel à Hitler après des réactions indignées.

Ces attaques touchent une fibre sensible dans un pays marqué par la honte de son passé nazi. Elles sont aussi ressenties comme une injustice alors que l’Allemagne met en avant son rôle de principal contributeur aux différents plans de sauvetage.

“Toujours la faute des Allemands!” titrait la semaine dernière le quotidien à grand tirage Bild, en ajoutant: “c’est nous qui payons le plus (pour les autres) mais c’est nous qui sommes conspués”.

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à Nicosie (Photo : Aris Messinis)

Le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle a regretté dans une déclaration au Spiegel-Online que les “négociations compliquées (sur Chypre) aient été accompagnées de paroles outrancières, parfois injustes et blessantes sur la place publique et dans les médias”. “Tous ceux qui ont une responsabilité en Europe doivent se comporter de façon juste et respectueuse et ne pas faire ressortir des préjugés depuis longtemps dépassés”, a-t-il ajouté.

Le ministre des Finances Wolfgang Schäuble a cependant contesté lundi soir sur la télévision publique ZDF que les Allemands passent pour les “méchants” en Europe, comme le suggérait une journaliste qui l’interrogeait. “Les autres pays savent très bien que nous assumons nos responsabilités”, a-t-il affirmé. “C’est toujours comme cela, c’est comme dans une classe (à l’école), quand on a parfois de meilleurs résultats, ceux qui ont un peu plus de difficultés sont un peu jaloux”, a-t-il ajouté.

En coulisse, la chancelière Angela Merkel affiche sa sérénité, voyant dans les critiques contre l’Allemagne la contre-partie naturelle de la puissance. A Berlin, on ose même la comparaison avec les Etats-Unis dont la puissance hégémonique provoque des réactions de haine dans certaines régions du globe.

Angela Merkel doit pourtant assumer une responsabilité personnelle dans la mauvaise image de l’Allemagne. “Le désastre à Chypre porte sa signature”, avait lancé la semaine dernière Sigmar Gabriel, chef des sociaux démocrates (SPD).

Il y a deux ans, elle avait attisé des préjugés sur les Européens du Sud sensés être moins travailleurs en affirmant : “il faudrait que dans des pays comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, on ne parte pas à la retraite plus tôt qu’en Allemagne, que tous fassent un peu les mêmes efforts”. Fin 2011, le chef du groupe conservateur au Bundestag, Volker Kauder, avait été ovationné lors d’un congrès en vantant la toute puissance d’Angela Merkel: “désormais l’Europe parle l’allemand”.