Les images violentes d’élus qui se chamaillent, s’agressent, se tirent dans les pattes qui nous viennent de la coupole du Bardo épuisent les Tunisiens. Que se passe-t-il au sein de l’ANC? Quels rapports ont les députés entre eux?
Pour Selma Baccar: «Les images de l’ANC sont à double tranchant. Importantes, car elles montrent à grand jour les tendances et autres désaccords mais défigurent réellement l’image des rapports humains que nous avons dans les salles de sous-commissions quand nous travaillons ensemble. Nos relations sont cordiales. Elles sont à l’image de ce que vit une famille tunisienne où vous pouvez trouver un enfant de gauche et un autre islamiste».
Mais quid des femmes députées? Comment évoluent-elles? Quels sont leurs rapports entre elles? Fait-il bon être une femme à l’ANC?
Pour la députée Selma Baccar: «Il est certain que l’un des enjeux majeurs de cette Constituante est la place de la femme. Elles sont bel et bien là. Quand ça coince, ce sont souvent elles qui débloquent la situation. D’ailleurs, des femmes compétentes, il y en a, il y en a plein, y compris dans le camp des islamistes. Les femmes d’Ennahdha ont une endurance au travail exceptionnelle. Ce gouvernement ne profite pas de la compétence féminine. C’est lui qui perd!».
Pour la députée d’Ennahdha Souad Abderahim : «La question est tranchée. Il n’est pas question qu’une femme soit contre une autre femme. Les acquis sont intouchables. Il est primordial de lutter contre la société patriarcale et la mentalité machiste qui règne».
Un avis que devraient partager les 63 femmes qui sont à la Constituante pour tenter de préserver les acquis des Tunisiennes. Mais sont-elles toutes engagées et de la même manière pour ce combat? Il est difficile de le penser quand un pays refuse de signer la convention Cedaw, laisse venir des prêcheurs de fortune endoctrinant jeunes et enfants, laisse un député comparer l’excision à de la chirurgie esthétique, envisage de “dealer“ la complémentarité entre les sexes au détriment de l’égalité…
Les femmes d’Ennahdha Intriguent et pour cause! Vu de l’intérieur de la coupole du Bardo, Maya Jeribi, Parti républicain, nous donne un autre éclairage. Elle considère que «les femmes d’Ennahdha vivent un déchirement réel. Elles sont déchiquetées entre leurs croyances et les indications de leur parti politique! Je n’aimerais en aucun cas être à leur place».
Il y a quelques semaines, l’élue Fattoum Attia a démissionné sans démissionner du groupe parlementaire Ennahdha, déclarant que l’on a fait d’elle une menteuse. «Fattoum Attia a fait part à la présidence du groupe de sa volonté de démissionner mais nous avons estimé qu’elle devait rester», précise un communique du parti islamiste.
Sahbi Atig, président du groupe, insiste que «tant que Fattoum Attia sera à l’Assemblée, elle devra rester dans le groupe Ennahdha».
C’est dire que nous sommes bien loin de la pratique démocratique tel que revendiqué par le parti. Aujourd’hui, le parti islamiste voit ses conflits internes exposés au grand jour sur la scène publique, et c’est par une femme députée que cela arrive aussi et surtout!