écran à la Bourse de Madrid le 20 juillet 2012 (Photo : Pierre-Philippe Marcou) |
[27/03/2013 17:37:36] MADRID (AFP) L’Espagne a dû réviser à la hausse mercredi le chiffre du déficit public de 2012 afin de respecter la méthodologie préconisée par l’Union européenne, une rectification qui intervient alors que le pays tente de convaincre de sa capacité à redresser ses comptes publics.
Si le gouvernement met en avant des éléments purement techniques, les réactions négatives se multiplient mercredi : l’opposition socialiste accuse le ministre du Budget Cristobal Montoro d’avoir “maquillé volontairement” les chiffres tandis que la prime de risque du pays bondit de 20 points de base à 379 points, signe du réveil des doutes sur la qualité de la dette souveraine espagnole.
Le ministère du Budget a déclaré mercredi que le déficit public s’était établi à 6,98%, et non à 6,7% comme publié le mois dernier, du fait d’un “changement de méthode requis par Eurostat”.
“Après discussion, Eurostat est tombée d’accord avec les autorités statistiques espagnoles sur la nécessité d’appliquer une méthode comptable en matière de remboursements d’impôts qui soit conforme aux principes comptables établis dans le “Manuel pour le déficit public et la dette publique”, a commenté par écrit un porte-parole de l’organisme statistique de l’Union européenne.
La quatrième économie de la zone euro ne comptabilisait jusqu’à présent les remboursements des sommes trop perçues aux contribuables qu’une fois ces restitutions approuvées par l’administration fiscale.
Eurostat préconise de les comptabiliser dès l’année où elles sont réclamées par les contribuables.
“Le gouvernement a fait quelque chose qu’en théorie il n’avait pas le droit de faire”, commente Emilio Gonzalez, professeur d’économie de l’Université autonome de Madrid. Ce sont ainsi quelque 4 à 5 milliards d’euros que le gouvernement a cherché à comptabiliser en 2013, et qu’il a finalement dû réintégrer dans les comptes 2012, ajoute-t-il.
“C’est un recadrage en règle pour Montoro et ses bidouillages”, a déclaré le député socialiste Pedro Saura, parlant de “manipulation maladroite”.
Emilio Gonzalez n’exclut pas que le chiffre de 2012 soit de nouveau révisé, à 7,2% ou 7,4%. Les données sur l’augmentation de la dette en circulation en 2012 ne sont pas compatibles avec le chiffre de déficit annoncé par le gouvernement et les statistiques transmises par les régions autonomes sont encore provisoires, souligne l’économiste.
L’an dernier, le gouvernement de droite de Mariano Rajoy, nouvellement élu, avait déjà révisé à deux reprises le déficit de 2011, à 8,9% puis à 9,4%, alors que le chiffre initialement publié était de 8,51%.
L’Espagne, engagée dans un programme d’austérité historique pour ramener son déficit dans les limites autorisées par l’Union européenne (3% du PIB), avait annoncé fin février avoir réduit le trou de ses finances publiques à 6,7% du PIB. Avec l’aide reçue par le secteur financier du pays, ce chiffre monte à 10%, mais ces sommes ne sont pas comptabilisées par Bruxelles dans le cadre de la procédure de déficit excessif.
Pour 2013, le gouvernement vise un déficit de 4,5%, mais son budget est bâti sur l’hypothèse d’un recul de 0,5% du PIB unanimement considérée comme trop optimiste.
“Le gouvernement a joué avec les chiffres, en nous présentant toujours les scénarios les plus favorables, pour essayer d’insuffler de la confiance aux consommateurs et aux entreprises, et de relancer l’économie”, analyse Emilio Gonzalez.
“Mais il ne se rend pas compte que cela ne fonctionne pas, que cela comporte de nombreux risques et surtout, que si ces chiffres ne sont pas respectés, cela génère des critiques, des soupçons et un manque de crédibilité, ce qui est précisément ce dont nous n’avons pas besoin en ce moment”, ajoute-t-il.