Religion et travail, une alliance qui embarrasse les entreprises

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ée (Photo : Jean-Philippe Ksiazek)

[28/03/2013 08:49:04] PARIS (AFP) Port du voile ou de signes religieux, demandes de congés pour les fêtes religieuses, ou de salles de prière… Alors que les entreprises sont un peu déboussolées pour gérer ces situations délicates mêlant religion et travail, certaines publient des guides pour aider leurs managers à y voir plus clair.

Le port du voile semble être un des points les plus épineux, et les récents arrêts de la Cour de cassation l’interdisant à une salariée de droit privé remplissant une mission de service public, mais l’autorisant dans une crèche privée (Baby Loup), ne simplifient pas vraiment la situation.

L’Association française des managers de la diversité (Afmd) et l’Institut de Science et de Théologie des Religions (ISTR) ont présenté cette semaine un ouvrage “Entreprises et diversité religieuse: un management par le dialogue”, fruit d’un long travail associant des entreprises, des juristes ou encore des chercheurs.

Le document vise à aider les managers à gérer la question au quotidien, sans pour autant fournir des réponses clé en main.

Lors de la présentation de l’ouvrage, Elodie Darricau du cabinet Capstan avocats a indiqué que jusqu’à récemment les entreprises sollicitaient peu le cabinet, niant la problématique ou se contentant d’afficher le principe de laïcité. “Aujourd’hui les requêtes portent essentiellement sur le port de signes religieux en entreprise et particulièrement le port du voile où effectivement les managers sont assez démunis”, dit-elle, évoquant en particulier “les situations dans lesquelles ils ne peuvent pas opposer un critère d’hygiène et de sécurité”, deux points qui permettent des restrictions via les règlements intérieurs.

“Nous avons aussi des demandes sur la mise à disposition de lieux pour la prière. En revanche, les managers nous sollicitent beaucoup moins sur les congés pour faits religieux ou les aménagements de plannings”, notamment en cas de jeûne, des questions sur lesquelles ils sont peut être “plus à l’aise” pour répondre de façon objective.

Un sujet sensible et tabou

“Beaucoup d’entreprises tâtonnent ou ne font rien. Soit parce qu’elles ne sont pas concernées (…), soit parce que c’est un sujet sensible et tabou sur lequel elles ont peur de l’impact médiatique”, a expliqué de son côté Anne Madelin pour la société d’études Sociovision. La question est éminemment délicate, a-t-elle rappelé, alors que 21% des Français trouvent normal de suivre d’abord les règles de leur religion avant celles de la société, et que plus d’un Français sur deux (56%) rapporte avoir une relation à la religion.

Un certain nombre d’entreprises ont toutefois avancé en élaborant des guides.

C’est le cas de La Poste, d’EDF, de France Télécom, d’IBM, de Casino ou dernièrement de la RATP. Ces ouvrages ont en commun d’être relativement brefs avec pour objectif d’aider les managers à répondre à des situations concrètes: que faire lorsqu’un salarié demande à partir plus tôt parce qu’il jeûne ou qu’un autre demande à prier pendant ses heures de travail?

Selon l’Afmd et l’ISTR qui ont étudié ces guides, “dans l’ensemble, la problématique centrale est la même: comment parvenir à respecter la croyance des employés tout en tenant compte des exigences du travail en équipe et des impératifs de l’entreprise?”.

Sur la question spécifique du voile, Frédérique Ast, juriste pour le Défenseur des droits, a rappelé lors de la présentation de l’ouvrage de l’Afmd que deux récents sondages avaient montré “un fort rejet du port du foulard y compris dans les structures privées”, avec plus de 80% de sondés hostiles.

Soulignant le risque de discrimination à l’égard des femmes musulmanes, elle a relevé que lorsqu’elles gagnent en justice, ces femmes font parfois l’objet d’une jurisprudence contre elles. Ce phénomène a notamment été observé en Allemagne où après une décision favorable à une femme voilée dans un Länder, la moitié des Etats régionaux ont élaboré des lois anti-voile, a rapporté Mme Ast, se demandant si le cas de Baby-Loup connaîtrait le même sort.

Depuis l’arrêt de la Cour, de nombreuses voix, à droite comme à gauche, ont de fait invité le législateur à trancher.