Chypre : la tourmente financière accueillie avec calme

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é à Nicosie, le 30 mars 2013 (Photo : Patrick Baz)

[31/03/2013 08:27:43] NICOSIE (AFP) Avec un calme stoïque, les Chypriotes ont subi deux semaines d’une tourmente financière qui a quasiment ruiné leur petite île méditerranéenne, soudain placée au coeur de l’actualité mondiale.

Après l’accord de Bruxelles à l’aube du samedi 16 mars sur la mise en place d’une taxe exceptionnelle sur tous les dépôts bancaires en contrepartie d’un plan de sauvetage de 10 milliards d’euros pour éviter la faillite du pays, la Bourse de Tokyo a été plus rapide à réagir que les premiers concernés.

Le lundi 18 au matin, alors que la taxe inédite faisait perdre 2,7% à l’indice Nikkei, les Chypriotes préparaient leur pique-nique du “Green Monday”, jour férié juste avant le début du carême orthodoxe.

Ce n’est que dans l’après-midi que quelques centaines de personnes sont venues manifester devant le Parlement, où les élus ont ensuite rejeté la taxe sur les dépôts, obligeant le gouvernement à conclure in extremis un second accord, au prix cette fois d’une restructuration drastique du système bancaire.

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à Nicosie, le 30 mars 2013 (Photo : Patrick Baz)

A la réouverture des banques jeudi après 12 jours de fermeture forcée, il y avait devant les agences du centre de Nicosie plus de journalistes étrangers que de clients venus retirer les 300 euros quotidiens auxquels ils sont désormais limités.

“Grand sens des responsabilités”

Des agents de sécurité étaient postés devant de nombreuses banques, un hélicoptère de police survolait la ville, mais les Chypriotes ont fait la queue en silence, la mine sombre et résignée, malgré leur colère face au coût dévastateur du plan de sauvetage destiné à maintenir le pays dans la zone euro.

Dans un message sur Twitter, le président chypriote Nicos Anastasiades s’est empressé de saluer “le grand sens des responsabilités” de ses compatriotes face à cette crise dont il a lui-même comparé l’ampleur à l’invasion turque de 1974, qui a chassé de chez eux un tiers des habitants et coupé le pays en deux.

Certes, le palais présidentiel, le Parlement ou les bureaux de l’Union européenne et de la Banque centrale de Chypre ont vu défiler ces deux dernières semaines des centaines de manifestants en colère, et les graffitis des supporteurs de football ont cédé la place à des “Voleurs” rageurs sur les murs.

Mais aucun incident sérieux n’a été signalé sur l’île, alors que ses cousins grecs ont multiplié les manifestations violentes depuis deux ans.

Le lundi 25 mars, au matin du second accord de Bruxelles qui condamnait le secteur, le centre de Nicosie était bouclé par la police, mais c’était pour la parade de l’indépendance grecque, que de nombreux Chypriotes sont venus applaudir, sous le soleil et les flonflons.

Pour Oksana, une Ukrainienne installée depuis longtemps dans l’île, “il n’y a qu’à Chypre que cela peut arriver. N’importe où ailleurs, il y aurait des émeutes et des violences”.

“Les Chypriotes sont calmes par nature (…). Pour l’instant, ils sont dans une position d’attente”, explique Kalliope Agapiou-Josephides, professeur de sciences politiques et sociales à l’Université de Chypre.

Pour l’expert politique Christos Christoforou, il y a aussi un facteur démographique. Chypre compte 850.000 habitants -l’équivalent de la ville de Marseille- dont moins d’un tiers pour Nicosie.

“Nous n’avons pas de grandes villes comme Athènes (…). Et les gens ici ne perçoivent pas l’Etat comme l’ennemi. Ils ont eu pendant des années une vie confortable grâce à l’Etat”, explique-t-il.

Et surtout, “les Chypriotes n’ont pas encore ressenti l’impact de la nouvelle réalité”, insiste-t-il.