Il
y a ce côté contestataire et anticonformiste qui fera de chaque épisode du
Fonds
Social Mondial (FSM) une fenêtre côté jardin. L’effervescence intellectuelle et
la surenchère revendicative sont une occasion sans pareil pour explorer…
l’utopie.
Tunis a mérité sa place de “Capitale planétaire du
Forum social mondial“, qui a
été marquée pendant plus de dix ans par des repères sud-américains et notamment
brésiliens. La révolution de la dignité a provoqué deux courants de contestation
au cœur du périmètre libéral. Cela a donné une deuxième jeunesse au Forum.
Il y a d’abord eu les «Indignados» (les indigués) en Espagne et l’autre
soulèvement de «Occupy Wall Street» (Occupez Wall Street). Sous leurs dehors
festifs, ces deux courants sont animés d’un élan de contestation radicale.
Alors Tunis, point de départ du «printemps arabe, épicentre d’un nouvel ordre
économique mondial?
La vie devant soi
Ils sont jeunes, enthousiastes et ont les yeux rivés sur l’avenir. Ils
représentent ce que l’humanité a de plus noble, l’intelligence et la fraîcheur.
Ils s’excitent à l’espoir de générer un nouvel ordre mondial. Lors de la marche,
sous les tentes qui abritent les workshops, sur les plateaux de télé, ils
s’agitent et agitent leurs idées dans un «brain storming» aux couleurs du monde
et dans toute l’étendue de sa richesse et de sa diversité.
Ils n’ont pas de maître à penser. Ils “vibrillonnent“. Rien ne les arrête, ils
expérimentent l’art du possible et de l’alternatif! Ils ne se laissent pas
embrigader dans le confort du conformisme. Ils osent la différence et ne
rechignent pas à se démarquer du passé. Ils sont partageux, inventifs, un peu
«aventuriers» et refusent la division internationale du travail, les rentes et
l’hégémonie économique.
Dit autrement, l’option d’un ordre alternatif, c’est le codéveloppement et même
si l’égalitarisme ne fait plus rêver, ils privilégient le bien-être pour tous et
la dignité pour chacun.
Mais une gouvernance sociale est-elle possible?
Un autre monde est-il possible?
La dixième édition du
FSM s’est donnée pour thème, avec une certaine assurance :
Un autre monde est possible! Chacun de nous en a sa petite idée. Eux, arrivent à
synthétiser un consensus autour d’un monde régi par les priorités sociales.
L’originalité de cette option est qu’elle ne conteste pas le dynamisme de
l’ordre libéral. Elle conteste son idéal, de socialisation des pertes et de
privatisation des profits. Elle trouve ce fondement partial et inique. Elle lui
préfère un ordre qui s’adosse aux valeurs de la solidarité.
L’attitude est humaniste mais pas rationnelle. Au lieu de la vaste spirale de
l’accumulation au profit du centre au prix du sacrifice des populations de la
périphérie, ils optent pour le développement global de la planète et les
spécificités culturelles. Leur espoir émerge après que le Club de Rome s’est
fait tacler. L’école de pensée libérale a englouti l’option de croissance zéro
qui a émané de l’école de Rome. Les tenants du développement durable n’ont pas
plus de chance.
En effet, le courant de l’entrepreneuriat social et solidaire est en passe
également d’être marginalisé par le courant ultralibéral où l’Etat est
complètement laminé par le marché. Un autre monde est-il possible? Mais est-il
surtout réalisable? La taxe Tobin sur les transactions financières,
l’uniformisation du droit du travail, l’éradication des paradis fiscaux, sont
des objectifs sur lesquels des structures plus solides que le FSM se sont
éreintées. Le G8 est resté impuissant sur le chantier des paradis fiscaux et la
CNUCED a été noyautée.
Que peut le FSM contre la machine ultralibérale représentée majoritairement par
le capitalisme anglo-saxon, cœur battant de ce système?
Le FSM n’a pas les faveurs des pronostics. Cependant, il entretient l’espoir et
nous fait caresser l’utopie. C’est déjà pas mal!