Tunisie : L’ANC peut-elle aider la justice à s’affranchie de l’ingérence politique?

Par : TAP

anc_tunisie-13224.jpgL’Organisation
Human Rights Watch (HRW) a appelé l’Assemblée nationale constituante (ANC) à
s’engager à bâtir une «justice affranchie de l’ingérence du gouvernement».

Evoquant le projet de loi organisant l’instance provisoire de l’Ordre judiciaire
qui doit être examiné par l’ANC, au cours cette semaine, HRW estime que «la loi
proposée suscite toujours l’inquiétude quant à l’étendue de l’influence que les
ministres continueraient à avoir sur les sanctions disciplinaires à l’encontre
des juges et sur d’autres questions affectant leur indépendance par rapport au
gouvernement».

Dans un communiqué publié au courant de la semaine dernière sur le site WEB de
l’ONG américaine de défense des droits humains, le directeur adjoint de la
division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW, Eric Goldstein, a déclaré que
«la Tunisie a désespérément besoin d’une justice indépendante après toutes ces
années où l’autorité politique a manipulé les tribunaux, privant de justice
tellement de personnes». «L’ANC a aujourd’hui une chance de mettre fin aux abus
cyniques du système judiciaire en adoptant une législation solide sur l’instance
de la magistrature», note HRW.

HRW considère par ailleurs que les autorités tunisiennes «ont bien peu progressé
pour ce qui est d’encourager ou de garantir l’indépendance de la justice, depuis
l’éviction de Ben Ali il y a deux ans», notant que le ministère de la Justice a
continué à s’immiscer dans la nomination et l’avancement des juges, ainsi qu’à
décider de leurs révocations.

Il faut rappeler que les magistrats ont observé, jeudi 28 mars, dans tous les
tribunaux du pays, une grève lancée par le Syndicat des magistrats (SMT) et
l’Association des magistrats (AMT), pour protester contre le projet de loi
organisant l’instance provisoire de l’Ordre judiciaire.

De même, de hauts magistrats ont rejeté, vendredi dernier, la mouture relative
au projet de loi sur cette instance proposée par la commission de la législation
générale à l’ANC. Dans une déclaration commune, les signataires qui sont le
Premier président de la Cour de cassation, le procureur général près la Cour de
cassation, le procureur général directeur des services judiciaires, l’Inspecteur
général au ministère de la justice, le président du Tribunal foncier, le Premier
président de la Cour d’appel de Tunis et le procureur général près de la Cour
d’appel de Tunis ont affirmé qu’ils ne feront pas partie de cette instance,
mettant en garde contre le risque du contenu de ce projet, sous sa mouture
actuelle, sur la pérennité du système judiciaire. Ils ont exprimé, également,
leur refus de la composition de l’Instance provisoire de l’ordre judiciaire,
telle que proposée, et qui comprend des membres n’appartenant pas au corps de la
magistrature, appelant à préserver l’indépendance du secteur et à le garder à
l’abri des tiraillements politiques.

WMC/TAP