[03/04/2013 06:40:28] MANILLE (AFP) Dans un bidonville de Manille, Teresita Mabignay repasse son linge avec l’électricité gratuite produite grâce à une montagne d’ordures.
La décharge de Payatas a été la première aux Philippines à être dotée d’un mécanisme permettant de convertir son méthane en électricité, dans le cadre d’un programme des Nations unies destiné à lutter contre le changement climatique.
Les ordures en décomposition dégagent du méthane, un gaz à effet de serre accusé de contribuer au réchauffement, selon les scientifiques.
Le transformer en électricité évite qu’il se propage dans l’atmosphère, mais permet aussi de réduire la consommation d’énergies fossiles.
Des tuyaux enfouis sous la montagne de déchets récupèrent le gaz et le conduisent jusqu’à une centrale électrique à proximité.
Teresita Mabignay, 50 ans, et ses voisines du bidonville, situé au pied de la décharge, ont accès à une électricité gratuite, dispensée dans un hall de la centrale.
“Ca nous aide bien à réduire la facture d’électricité”, déclare cette femme dont le mari, gardien, gagne 200 dollars par mois.
En vertu du Mécanisme de développement propre (MDP) lancé par l’ONU en 2005, les pays industrialisés payent pour des projets qui réduisent ou évitent des émissions dans des nations moins riches, comme les Philippines. En retour, ils sont récompensés de crédits pouvant être utilisés pour atteindre leurs propres objectifs d’émissions, prévus par le protocole de Kyoto.
Concrètement, les entreprises dans les pays en voie de développement peuvent gagner des crédits de réduction d’émission, chacun équivalent à une tonne de dioxide de carbone, et les revendre à des entreprises, gouvernements ou institutions dans les pays riches, qui compensent ainsi leurs émissions.
Des milliers de projets d’énergie verte ont vu le jour dans les pays en voie de développement depuis le début du MDP: fermes éoliennes, stations solaires, barrages hydroélectriques…
évrier 2013 (Photo : Ted Aljibe) |
Le projet de la décharge Payatas a été lancé en 2008, pour bénéficier de ce programme de l’ONU, explique Jennifer Fernan Campos, présidente de Pangea Green Energy Philippines, qui exploite la centrale.
L’usine rapporte des centaines de milliers de dollars chaque année.
La crise économique a toutefois fait chanceler la rentabilité du projet: le prix de la tonne de CO2 a chuté depuis 2010 et oscille autour de 3 euros actuellement, en raison notamment d’une baisse de la demande due au ralentissement de l’activité économique.
La centrale de la décharge est viable sans l’argent récupéré via l’ONU, assure cependant Jennifer Fernan Campos. Ses capacités ont été augmentées en mars, passant de 200 kilowatts à un megawatts, et l’électricité est désormais vendue directement aux réseaux philippins.
Selon la dirigeante du projet, le volume du gaz à effet de serre recyclé sur Payatas est équivalent à ce que dégagent 18.000 voitures. Et le méthane récupéré ne risque plus de polluer les nappes phréatiques de la zone.
Le système a des effets pervers, pour Greenpeace et d’autres associations de défense de l’environnement, qui s’opposent à ces projets de création d’électricité à partir des gaz de décharge. Ils estiment que leurs effets bénéfiques sont souvent exagérés et qu’ils offrent surtout une incitation financière à augmenter le volume des déchets.
“Avoir de tels projets encourage à générer des ordures, plutôt que les éliminer, parce qu’on en a besoin pour faire marcher l’usine”, déclare Beau Baconguis, de Greenpeace Philippines.
“La seule façon de gérer la question du méthane dégagé par les ordures est d’arrêter d’amasser les ordures sur la décharge”.
Il déplore le manque d’ambition du gouvernement philippin pour réduire les ordures. A Manille seulement, les 12 millions d’habitants produisent entre 6 et 8.000 tonnes de déchets chaque jour.
Mais Jennifer Fernan Campos souligne que son projet s’est accompagné de mesures de réduction des ordures, décidées par les autorités locales. Le volume des déchets apporté à la décharge de Payatas est passé de 1.800 tonnes par jour il y a quelques années, à 1.200 aujourd’hui.