Slim Besbès, secrétaire d’Etat auprès du ministre des Finances dans le gouvernement Jebali, n’est pas peu fier de la manière dont lui et son équipe ont, avec le Comité de gestion, géré les biens confisqués et plus particulièrement le dossier de la cession des 25% du capital de Tunisiana.
Lorsque l’appel d’offres y afférent est proclamé infructueux le 20 novembre 2012, l’inquiétude est à son paroxysme au sein de l’Etat. Car la non-cession de ce paquet pouvait, passé janvier 2013, occasionner de lourdes pertes financières. Car l’achat des 25% a été financé par des prêts bancaires, Sakher El Materi n’ayant avancé que 24 millions de dinars des 865,5 millions requis. Or, le contrat conformément auquel ABC Bahreïn avait accordé 230 millions de dollars (329,5 millions de dinars), lui permettait, en cas de défaut de remboursement le 15 janvier 2013, de disposer des 15% du capital et de les céder elle-même à Qtel.
Pour éviter qu’ABC puisse la mettre en œuvre elle-même, l’Etat a activé le “Put Option“, et engagé avec l’actionnaire qatari majoritaire de Tunisiana des négociations qui lui ont permis d’atteindre l’objectif fixé: céder les 25% à 1 milliard de dinars. En effet, alors que la meilleure offre, faite par LQH, était de 834 millions de dinars dividendes attachés, Qtel a racheté 15% seulement pour 558 millions de dinars de dividendes détachés. L’opérateur qatari a accepté de payer 78,375 millions de dinars à titre d’avance sur ces dividendes –Tunisiana n’en a pas distribué depuis 2009- et d’y ajouter un éventuel surplus.
De même, Qtel va contribuer à hauteur de 50% à la moins-value éventuelle en cas d’introduction en Bourse –en 2013 ou 2014- des 10% restants, avec un maximum de 24 millions de dollars, dont 21,625 millions ont déjà été versés, et a accepté d’abandonner les intérêts sur les 50 millions de dollars prêtés à Zitouna Telecom.
Sur la base d’une estimation à 325 millions de dinars des 10% restants, l’Etat va donc empocher près de 250 millions de dinars de plus que ne lui aurait rapporté la cession à LQH.
Si l’Etat a placé la barre assez haut en termes de prix exigé pour la cession de 25% du capital de Tunisiana, c’est parce que ce paquet d’actions du leader de la téléphonie mobile en Tunisie avait été acquis à l’époque par Sakher El Materi quasi-totalement avec un financement bancaire et que le défaut de remboursement des prêts contractés par le gendre de l’ancien président coûterait très cher à l’Etat.
En effet, le schéma de financement de l’acquisition des 25% était composé d’un financement bancaire et d’un apport en fonds propres du groupe Princess El Materi Holding (rebaptisé AlKarama Holding).
Le financement bancaire totalisait 649,5 millions de dinars, dont 320 millions avancés par cinq banques de la place –BIAT (100), Attijari bank (80), STB (80), ATB (50) et Zitouna Bank (10) et 230 millions de dollars (329,5 millions de dinars) levés auprès d’ABC Bahreïn et garanti par Qtel –qui s’est engagé sur la base d’un «put option» sur les actions de Tunisiana, conformément auquel l’opérateur qatari s’est engagé à racheter les 15% (soit 60% des 25%) et de payer la banque ABC, si Zitouna Telecom –la société créée par Sakher El Materi et Hamdi Meddeb pour acquérir les 25%- n’honorait pas ses engagements envers la banque bahrinie.
Les fonds propres étaient quant à eux composés d’un deuxième prêt d’Attijari bank de 120 millions de dinars, d’une garantie de prise en charge du risque de défaut par Qtel pour 50 millions de dollars (72 millions de dinars) –remboursable fin 2012- et de 24 millions de dinars payés directement par Sakher El Materi.
La pression exercée sur l’Etat qui l’obligeait à conclure rapidement et au prix fixé la cession des 25% provenait du fait que près des deux tiers des montants levés auprès des banques –soit 549,5 millions sur un total de 865,5 millions de dinars- devaient être remboursés entre janvier et février 2013.