çoit le PDG de Gazprom Alexeï Miller le 3 avril 2013 dans une résidence présidentielle hors de Moscou (Photo : Alexei Nikolsky) |
[05/04/2013 10:41:28] MOSCOU (AFP) Le géant gazier russe Gazprom a assuré vendredi le gouvernement polonais des intérêts économiques de construire un nouveau gazoduc entre la Russie et l’UE via le territoire polonais, une décision de Vladimir Poutine qui a reçu un accueil glacial à Varsovie.
Les autorités polonaises craignent que ce nouveau tuyau ne serve de moyen de pression sur l’Ukraine, le principal pays de transit du gaz russe actuellement, dans le conflit gazier qui oppose Kiev et Moscou.
Le président du groupe public Alexeï Miller a rencontré vendredi à Saint-Pétersbourg (nord-ouest) le ministre polonais de l’Economie Janusz Piechocinski pour lui présenter le projet “Iamal-Europe 2”, qui devrait traverser la Pologne via le Belarus pour rejoindre ensuite la Slovaquie et la Hongrie, selon un communiqué. “Il a attiré son attention sur le fait que le projet apporte à la Pologne des bénéfices économiques avec le paiement de frais de transit à travers le pays, ainsi qu’un renforcement de la sécurité énergétique des consommateurs d’Europe centrale”.
Ce nouveau projet, demandé mercredi par Vladimir Poutine, doit renforcer le gazoduc Iamal-Europe qui permet à Moscou d’envoyer son gaz vers l’Allemagne via le Belarus et la Pologne. Sa capacité est de 32,9 milliards de mètres cubes par an.
Gazprom a indiqué mercredi que la construction d’une nouvelle branche, orientée vers la Slovaquie et la Hongrie, pourrait commencer en 2018-2019 pour une capacité prévue autour de 15 milliards de m3 par an.
Deux jours seulement après la consigne présidentielle, M. Miller a signé vendredi un protocole d’entente avec Europol Gaz, l’opérateur de Iamal Europe détenu par Gazprom et le polonais PGNiG, en vue de mettre au point les caractéristiques techniques d’un nouveau tuyau.
Mais le projet a reçu un accueil peu enthousiaste en Pologne, le gouvernement s’interrogeant sur les motivations de Moscou.
“Est-ce qu’il s’agit d’un gazoduc traversant la Pologne et évitant l’Ukraine? La Pologne reste très prudente en observant les échanges de coups entre la Russie et l’Ukraine. Nous ne voudrions pas nous laisser impliquer de cette manière dans un conflit plus important”, a déclaré jeudi Janusz Piechocinski.
Vladimir Poutine a d’ailleurs justifié le projet Iamal-Europe 2 par le besoin de “livraisons fiables” vers la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie, une expression qu’il emploie régulièrement en référence aux conflits avec Kiev qui ont dans le passé perturbé les exportations gazières.
En froid depuis des années avec l’Ukraine concernant les prix du gaz russe, la Russie multiplie les initiatives pour acheminer son gaz vers l’Europe en évitant son voisin.
Elle a mis en service en 2011 le gazoduc Nord Stream vers l’Allemagne sous la mer Baltique, et a entamé en décembre les travaux de construction de South Stream qui doit alimenter à partir de fin 2015 le sud de l’Europe via la mer Noire.
“Gazprom risque de se lancer dans un nouveau projet coûteux sans raisons claires, vu que ses capacités d’exportations sont largement suffisantes”, ont estimé les analystes de VTB Capital, chiffrant la facture de Iamal-Europe 2 dans une fourchette entre 5 et 10 milliards de dollars.
Gazprom peut acheminer actuellement autour de 255 milliards de m3 de gaz par an, sans compter les 63 milliards de m3 qu’apportera South Stream et les nouvelles canalisations que le groupe veut ajouter à Nord Stream.
Or, il n’a exporté l’an dernier que 138 milliards de m3, la consommation pâtissant de la crise économique qui frappe l’Europe.
“Cela suggère peut être que les négociations avec l’Ukraine ne progressent pas. Il pourrait donc s’agir de déclarations politiques destinées à mettre la pression sur l’Ukraine”, ont avancé les analystes.