érence de presse sur la lutte contre la fraude fiscale, le 20 novembre 2012 à Paris (Photo : Francois Guillot) |
[06/04/2013 09:03:55] PARIS (AFP) La succession de scandales touchant des responsables politiques ou économiques accentue un peu plus la défiance des citoyens européens vis-à-vis de leurs élites, notamment dans les pays soumis à des politiques d’austérité, comme en Italie avec la montée du populisme.
En France, l’affaire d’évasion fiscale touchant l’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac va renforcer “la vision un peu dominante d’un rejet des élites politiques, que l’on retrouve un peu partout en Europe”, craint Eddy Fougier, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). “Tout concourt à ce que cela conforte les thèses populistes, la thèse du +tous pourris+”, s’inquiète-t-il.
“Comment les citoyens ne seraient-ils pas écoeurés ou révoltés de constater que le grand argentier de l’Etat s’était froidement affranchi de la rigueur et des efforts qu’il leur réclamait?” s’interrogeait jeudi le quotidien Le Monde.
Si cette défiance se mesure jusqu’à présent en France surtout dans les médias et les sondages, dans les pays du sud de l’Europe en revanche, touchés par des années d’austérité beaucoup plus sévère, l’indignation a déjà trouvé sa traduction dans les urnes ou dans la rue.
En Italie, les affaires de fraude sont une constante à l’image des procès contre Silvio Berlusconi ou de l’amende énorme infligée cette semaine aux stylistes de Dolce & Gabbana (343 millions d’euros).
La réaction des Italiens ne s’est pas fait attendre et, aux élections de février, le Mouvement cinq étoiles (M5S) de Beppe Grillo, qui cristallise le vote anticorruption et antiaustérité, a engrangé environ 25% des votes.
évrier 2013 à Saint Ilario (Photo : Fabio Muzzi) |
“Aucun parti politique ne doit se faire d’illusion. Même si tous n’ont pas agi de la même façon, il existe une rage à leur encontre”, juge Giacomo Marramao, professeur de philosophie politique à l’Université Rome III.
Dans la péninsule ibérique, les scandales à répétition provoquent le dégoût. Brandie dans la rue ou dessinée sur internet, l’enveloppe, censée cacher de l’argent, est devenue un symbole d’écoeurement.
Evasion fiscale à grande échelle
“En Espagne, on n’a jamais bien pardonné le fait d’empocher de l’argent et si cela coïncide en plus avec une époque de crise généralisée, cela réveille des sentiments terriblement hostiles”, analyse Emilio de Diego, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Complutense de Madrid.
Le Parti populaire (PP) est secoué par deux enquêtes. L’une porte sur une comptabilité occulte du parti qui aurait bénéficié jusqu’au chef du gouvernement Mariano Rajoy. L’autre, baptisée “l’affaire Gürtel”, empoisonne la droite depuis 2009, des sociétés proches du PP étant soupçonnées d’avoir versé des commissions et offert des cadeaux afin d’obtenir des contrats publics.
Les scandales touchent aussi la famille royale depuis qu’un juge a ouvert une enquête sur le détournement de plusieurs millions d’euros d’argent public et dans laquelle est poursuivi Iñaki Urdangarin, l’époux de la fille cadette du roi, Cristina, elle-même convoquée prochainement par la justice.
En Grèce, où l’évasion fiscale est pratiquée à grande échelle via des sociétés offshore – comme le confirme l’enquête internationale publiée par différents médias depuis jeudi -, des milliers de manifestants dénoncent les “voleurs” devant le Parlement à chaque manifestation anti-austérité. La “liste Lagarde”, comportant quelque 2.000 noms de Grecs détenteurs d’un compte dans la filiale suisse de la banque HSBC, a éclaboussé trois gouvernements accusés d’inaction.
Le journaliste à l’origine de la révélation de l’affaire, Costas Vaxevanis, a été mis en cause pour violations de données personnelles. Dans le même temps, l’ex-ministre des Finances Georges Papaconstantinou était accusé d’avoir falsifié la fameuse liste en retirant le nom de deux de ses cousines…
Les pays du nord de l’Europe ne sont pas épargnés. En Belgique, la création fin 2012 par la reine Fabiola, 84 ans, d’une “fondation privée” a été perçue comme une manière d’éviter les droits de succession. Depuis, la reine y a renoncé et le gouvernement a raboté sa dotation annuelle qui est passée de 1,4 million d’euros à environ 925.000 euros.