ût 2011 à Paris (Photo : Pierre Verdy) |
[06/04/2013 11:02:20] PARIS (AFP) Les critiques s’accumulent contre la France, accusée de se reposer sur ses lauriers de première destination touristique mondiale et de laisser sa compétitivité se dégrader dans ce secteur. Un procès injuste car le bilan est bon, estime la ministre du Tourisme, Sylvia Pinel.
Selon le rapport 2013 du Forum économique mondial (WEF), publié en mars, la France a perdu de sa compétitivité touristique, reculant de la 3e place en 2011 à la 7e place en 2012, derrière la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
La place du tourisme a “baissé dans les secteurs économiques prioritaires du pays”, juge le rapport. S’il salue installations sanitaires, infrastructures de transport et qualité du patrimoine culturel, il pointe aussi les prix élevés et autres rigidités réglementaires.
Interrogée par l’AFP, Mme Pinel rétorque qu'”on peut toujours faire mieux” et qu’il faut “améliorer notre offre”, mais, dit-elle, “la réalité c’est que ce secteur résiste mieux que d’autres à la crise”.
Tourisme domestique inclus, les recettes ont atteint 77 milliards d’euros en 2012. “On ne peut pas considérer que ce n’est rien”, dit la ministre, qui met en garde contre les déclinistes, rappelant que le tourisme représente 7% du produit intérieur brut et deux millions d’emplois.
Le bilan est certes bon, mais il est de plus en plus concurrencé et mérite quelques nuances.
à Versailles le 3 août 2011 devant le château de Versailles (Photo : Miguel Medina) |
La France détient le record de visiteurs étrangers, avec 81,4 millions d’arrivées en 2011, loin devant les Etats-Unis (62,7 millions), la Chine (57,6 millions), l’Espagne (56,2 millions) et l’Italie (46,1 millions).
Plus pour très longtemps toutefois, car la Chine doublera bientôt tout le monde, prédit l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Et “n’oublions pas que dans les chiffres français, on a plus de 15 millions de touristes pour Disneyland”, relativise Jean-Pierre Nadir, fondateur du site Easyvoyage.com.
Oui, le tourisme est très excédentaire dans la balance des paiements. Mais la France peine à convertir son record de visiteurs en recettes.
D’autres pays font mieux avec moins d’arrivées. Ainsi la France n’est que 3e dans le classement des recettes du tourisme international en 2011 (39,2 milliards d’euros), derrière les Etats-Unis (83,4 milliards d’euros) et l’Espagne (43 milliards). En fait, environ 15% des étrangers ne font que “transiter” en France.
Par ailleurs, la dépense moyenne des touristes y est plutôt faible.
Un secteur pas reconnu à sa juste valeur
à Montmartre le 3 auût 2012 à Paris (Photo : Fred Dufour) |
Parmi les doléances, un accueil qui laisse à désirer et un volume des hébergements jugé insuffisant. Les gros investissements, tels que Disneyland il y a 20 ans, manquent. La formation pêche. Et 50.000 emplois n’arrivent pas à être pourvus – le gouvernement lance une mission à ce sujet.
Face à une concurrence accrue qui fait perdre à la France des parts de marché dans le tourisme en Europe, des professionnels s’alarment.
Le Comité pour la modernisation de l’hôtellerie française tire même à boulets rouges. Il dénonce “l’autosatisfaction” de la France et accuse les autorités d’un manque de stratégie touristique (notamment envers les milliers de petites entreprises du secteur, dont beaucoup souffrent avec la crise). Le Comité dit son ras-le-bol des nouvelles réglementations et normes, fustige “le millefeuille” des entités institutionnelles chargées du tourisme et crucifie Atout France, l’agence de promotion du secteur, perçue comme inefficace.
Mme Pinel juge ces critiques très excessives. La ministre s’est fixé comme buts de “structurer la filière touristique”, notamment grâce à des contrats de destination public-privé, et d'”améliorer l’offre” (accueil, hébergement…) et la formation.
De nombreux professionnels réclament que le tourisme soit hissé au sommet des préoccupations françaises et armé d’une politique résolument active.
“On pourrait sûrement créer un million d’emplois si on mettait le tourisme en tête des priorités du projet France”, croit Jean-Pierre Nadir. “Mais on manque d’ambition. On a un grand pays et une petite vision”.
En France, jugeait récemment François-Henri Pinault, patron de Kering, “on raisonne comme si l’essentiel de l’économie était l’industrie” alors que “la réalité de l’économie française, ce sont les services”. Selon lui, “le tourisme devrait être une priorité nationale sur les dix prochaines années”.
Encore faut-il que les Français jouent le jeu, note-t-on à l’OMT. “Or ils ne s’intéressent pas beaucoup au tourisme”.