Pharmacie : les grands groupes face aux enjeux du marché indien

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été Novartis à Bombay, le 1er avril 2013 (Photo : Punit Paranjpe)

[07/04/2013 09:23:26] PARIS (AFP) Le marché pharmaceutique indien, en forte croissance, suscite la convoitise des grands noms mondiaux du médicament, mais ceux-ci doivent adapter leur stratégie à un pouvoir politique tatillon et au pouvoir d’achat limité des patients, relèvent des analystes.

La récente décision de la Cour suprême indienne qui a débouté le suisse Novartis d’une demande de brevet pour son anticancéreux Glivec, après sept ans de bataille judiciaire, pose question aux groupes étrangers, déjà confrontés à plusieurs reprises à la réglementation locale en matière de brevets.

Robert Chu, directeur d’IMS Health France, relève “une volonté très forte des pouvoirs publics indiens d’élargir la couverture santé, y compris aux populations les plus pauvres” et “de le faire à des coûts les plus bas possibles”.

“D’où la volonté politique de pousser les génériques”, souligne M. Chu.

C’est d’autant plus logique que la production de génériques est un domaine où l’Inde a “une grande tradition industrielle” avec des sociétés comme Cipla ou Ranbaxy.

Pour les groupes étrangers, il y a “une vraie complexité: les coûts de traitement en oncologie sont assez incompatibles avec le pouvoir d’achat de la population (…) c’est inabordable pour l’Indien moyen”, souligne-t-il.

En Inde, le Glivec revient à 4.000 dollars par patient contre moins de 73 dollars pour la version générique, a indiqué une conseillère juridique de Médecins sans Frontières.

Novartis a fait valoir qu’il avait mis en place un programme d’aide grâce auquel le Glivec ne coûte rien à 95% des patients, et qu’il y a consacré 1,7 milliard de dollars depuis 2002.

La réglementation indienne réclame pour accorder un brevet des critères de “nouveauté”. Il a été également mis en place l’an dernier un système de licence obligatoire en faveur des génériques.

Un marché en forte croissance

Selon Robert Chu, “il va exister des molécules dans lesquelles il y aura une protection du brevet et une commercialisation exclusive, mais ça va représenter peut-être 2-3% du marché indien”, pour “des molécules dans lesquelles il n’y aura aucune alternative”.

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édicaux qui vont être distribués à des lépreux, à Hyderabad le 5 février 2013 (Photo : Noah Seelam)

Pour les laboratoires, la question est donc: “comment adapter leur modèle économique de produits à forte valeur ajoutée médicale, pour lesquels ils ont un niveau de prix dans les économies matures qu’ils n’arrivent pas à calquer dans les pays émergents?”, résume Vincent Genet, directeur de la division Santé du cabinet Alcimed.

IMS Health table sur une croissance du marché pharmaceutique indien de 12% en moyenne par an sur les 5 prochaines années, passant de 14 milliards de dollars en 2012 à 25 milliards en 2017.

Pour capter cette croissance, une des réponses des groupes pharmaceutiques étrangers est d'”adopter les stratégies appliquées par les sociétés indiennes”, de façon à proposer “une offre acceptable pour le marché local”, explique Anne-Christine Marie, analyste du secteur pharmacie au cabinet PwC.

Une approche qui se traduit par “le lancement de nouveaux produits dédiés à l’Inde avec des marques et des prix adaptés, et une augmentation des forces de vente”, détaille-t-elle. Ils ont aussi mené une politique active d’acquisitions.

“Il y a un vrai enjeu de personnalisation des traitements, à l’état de santé de la population et à la capacité de cette population à pouvoir accéder à ces traitements”, relève Vincent Genet.

Les groupes peuvent aussi “réfléchir aux moyens d’accéder au marché en créant des partenariats avec des assurances privées, qui peuvent suppléer le système public” dans le financement des traitements, ajoute-t-il.

L’Inde est “un des marchés émergents prioritaires pour tous les laboratoires”, confirme Marc Livinec, analyste d’Euler Hermes.

Ce qui devrait donc primer, c’est “la volonté de rentrer sur le marché indien (…) de s’établir pour acquérir une notoriété, une image, un savoir-faire local” et même “au prix d’un certain sacrifice de marge”, estime-t-il.