” (Photo : Georges Gobet) |
[10/04/2013 14:50:59] LUXEMBOURG (AFP) Sous pression de ses partenaires européens et des Etats-Unis, le Luxembourg a accepté de lever partiellement le secret bancaire en se ralliant mercredi à l’échange automatique de données bancaires à partir de 2015, notamment sur les revenus d’épargne.
“Nous pouvons sans danger introduire l’échange automatique à partir du 1er janvier 2015”, a déclaré le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker devant le Parlement, alors que son pays s’y refusait jusqu’à présent. Une position devenue intenable avec l’aggravation de la crise en Europe puis, tout récemment, les révélations de “l’offshoreleaks”, qui ont relancé le débat récurrent sur les paradis fiscaux.
Dans un communiqué, le gouvernement luxembourgeois a précisé qu’il avait “décidé d’introduire, au 1er janvier 2015 (…) l’échange automatique d’informations sur les paiements d’intérêts (…) en faveur de personnes physiques qui ont leur résidence dans un autre Etat membre de l’Union européenne, afin que ces bénéficiaires soient imposés conformément aux dispositions législatives de leur Etat de résidence”.
Cela remplace le prélèvement à la source de 35% appliqué jusqu’à présent par le Grand-Duché.
Ces dispositions, qui découlent d’une loi européenne sur la fiscalité de l’épargne, ne s’appliqueront qu’aux particuliers ressortissants de l’UE, donc pas aux non-Européens, ni aux entreprises.
Or la clientèle de la place s’est beaucoup diversifiée en 20 ans. Si elle provenait traditionnellement des pays du Benelux, d’Allemagne et de France, elle s’est élargie dans les années 2000 à la Russie, aux pays du Golfe et à l’Amérique Latine.
En outre, la loi européenne sur l’épargne ne concerne pas l’assurance-vie ni certains fonds d’investissement, qui représentent une part déterminante des dépôts au Grand-Duché.
Le gouvernement a aussi indiqué que les règles ne changeraient pas pour les personnes résidant au Luxembourg, qui “continueront à être soumis à une retenue à la source de 10% sur leurs revenus de l’épargne et bénéficieront du secret bancaire tel qu’il existe aujourd’hui”.
Pour autant, la Commission européenne s’est réjouie de l’annonce de M. Juncker, en espérant que cela allait permettre “l’adoption rapide” d’une révision de la directive sur l’épargne, qui étend son champ d’application. Deux pays s’y opposent depuis 2008: le Luxembourg et l’Autriche, sur lequel la pression s’accroît désormais.
“L’Autriche est le dernier Etat membre à ne pas appliquer l’échange automatique d’information”, a souligné mercredi Emer Traynor, porte-parole du commissaire chargé de la fiscalité Algirdas Semeta, qui a demandé à Vienne de “suivre l’exemple du Luxembourg”.
Alors que l’Allemagne demandait depuis de nombreuses années au Luxembourg de lever son secret bancaire, M. Juncker a affirmé qu’il n’avait pas “cédé à la pression allemande”, mais à la “position radicale des Etats-Unis”.
Les Américains ont adopté en 2010 le Fatca, une loi qui, de manière radicale, impose aux établissements financiers étrangers de transmettre au fisc les informations sur les comptes détenus par des contribuables américains afin de permettre au fisc de recouper leurs déclarations de revenus.
Washington négocie actuellement de manière bilatérale l’application de cette loi, en particulier avec le Luxembourg.
“Les Américains veulent seulement travailler avec les pays qui acceptent l’échange automatique d’informations. Notre place financière ne peut pas se retirer du marché américain”, a plaidé M. Juncker. Il a souligné que son pays ne pouvait “pas refuser aux Européens” ce qu’il “accepte avec les Américains”.
Pour M. Juncker, “la place financière ne dépend pas de manière existentielle du secret bancaire”. “Les lumières ne vont pas s’éteindre”, a-t-il lancé en affirmant que le Luxembourg “ne vit pas de l’argent noir ni de la fraude fiscale”.
Ulcéré par les comparaisons avec Chypre, le Luxembourg avait assuré fin mars que son secteur financier très développé contribuait à la compétitivité générale de tous les Etats membres” de l’UE, grâce à “sa clientèle diversifiée, ses produits sophistiqués, sa supervision efficace et l’application rigoureuse des standards internationaux”.
Mais il a reconnu qu’il existait “une tendance internationale irrésistible pour que nous passions à l’échange automatique”. “Nous devons participer à la lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale”, a-t-il affirmé.