Le potentiel du paiement mobile en Afrique est énorme. Les entreprises de mobile, ainsi que les banques selon les pays, s’investissent pour le contrôle du marché. La possibilité d’accéder à des services financiers élémentaires, comme les dépôts et les transferts, à partir de n’importe quel téléphone mobile sans avoir besoin d’un compte bancaire formel, offre une opportunité potentiellement révolutionnaire pour les populations non bancarisées, encore nombreuses sur le continent.
Côte d’Ivoire, bataille d’opérateurs
En Côte d’Ivoire, la bataille concerne MTN et Orange, comme au Cameroun. Là aussi un taux de bancarisation ne dépassant pas les 8% et un nombre d’agences bancaires limité ont favorisé les services financiers offerts par les leaders de la téléphonie mobile. Ceux-ci gagnent en popularité. Les deux opérateurs y revendiquent présentement environ 1 million d’abonnés au mobile banking chacun, et un réseau de 1000 points de vente répartis sur tout le territoire.
Au cœur de la stratégie : ne pas se laisser dépasser dans la concurrence et offrir à chacun de leurs six millions d’abonnés respectifs des services innovants. Une bataille pour laquelle Orange semble avoir pris de l’avance, en proposant une micro-assurance sur mobile. Mais la banque mobile a aussi eu des effets pervers dans la société et les mœurs du pays. L’un des freins à l’expansion de ces services réside dans la psychologie sociale. «La Côte d’Ivoire est un pays de contacts humains. Alors, si on ne peut plus voir son fils parce qu’il envoie l’argent par le téléphone, ce n’est pas intéressant», explique un Ivoirien, selon un reportage de la télévision nationale.
Maroc, la technologie comme catalyseur
En Afrique du Nord, le cas du Maroc paraît tout aussi intéressant. Ici, la bataille du mobile banking n’est pas le fait des opérateurs de téléphonie, mais plutôt celui des banques. Lorsqu’en 2011 la Banque Populaire y lance son offre Pocket Bank, qui permet notamment de consulter le solde de son compte, d’afficher l’historique des dernières opérations effectuées ou encore le paiement des factures et le transfert d’argent, elle rentre dans un marché où se trouve déjà Mobicash, une offre de transfert d’argent et de paiement développée par Maroc Telecom, Attijariwafa Bank et le groupe Banque Populaire.
Dans la même lignée, la BMCE Bank a, de son côté, élargi son offre mobile banking Lilkoul au transfert d’argent. Au pays du roi Mohamed VI, la forte poussée technologique et l’arrivée sur le marché des smartphones (téléphones intelligents) ont dans une certaine mesure poussé les banques à s’adapter aux nouveaux besoins de leurs clients. Un marché s’est donc ouvert pour les développeurs de solutions, notamment Hightech Payment Systems (HPS). Sa solution Mobitrans combine des services de banque mobile et de paiement mobile. Globalement, l’offre porte sur la gestion de compte, le dépôt d’argent, le transfert de fonds, le paiement, la virtualisation des tickets (tickets cinéma, billets d’avion, etc.) ou encore des jetons e-commerce. On estime aujourd’hui que plus de la moitié des utilisateurs de téléphone au Maroc ont accès aux services financiers virtuels.
Nigeria, soutien affiché de la Banque centrale
Au Nigeria, sept banques, dont Standard Chartered et First Bank, détiennent aujourd’hui des licences de services bancaires et de paiements sur mobile. L’expérience nigériane est intéressante du fait que la Banque centrale a elle-même pris le leadership de la pratique. Le 1er janvier 2012, elle a lancé le « Cash-Less projet Lagos », un projet qui introduisait la limite quotidienne de retrait en espèce. Le 30 mars 2012 a été introduit le paiement de frais sur tout retrait au-dessus de la limite.
Ayant rendu de plus en plus difficile l’obtention des liquidités en banque pour effectuer des paiements pour les consommateurs, cela a gonflé l’option pour les transactions sans numéraire.
Intervenant en novembre 2012, le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria (CBN), Lamido Mallam Sanusi, a révélé que la valeur des transactions par le biais des services bancaires mobiles a augmenté de manière significative, à 4 milliards par mois, par rapport aux 20 millions au début du phénomène.
Egypte, conservateurs mais séduits
L’Egypte est également entrée dans les services bancaires mobiles. Comme dans de nombreux marchés émergents, un facteur de croissance aura été le revenu des ménages, essentiellement basé sur un système de caisse, avec seulement 10% de la population détenant des comptes bancaires et un taux de pénétration du mobile bien au-dessus des 80%.
Les transferts d’argent via le mobile ont été autorisés par la Banque centrale il y a peu, ce qui permet aux utilisateurs de transférer jusqu’à 3.000 livres égyptiennes par téléphone. Depuis lors, Mobinil et Vodafone ont lancé des services en collaboration avec BNP Paribas et la Banque de Développement du Logement respectivement, pour capitaliser sur le potentiel latent du pays. Mais le mobile banking fait face à de nombreuses résistances. Selon une étude menée par Rehaballah Elbadrawy et Rasha Abdel Aziz, de l’Université d’Alexandrie, ces résistances sont le fait de la tradition et de la psychologie des populations, qui doivent encore s’habituer à cette manière de fonctionner.
L’Afrique du Sud maîtresse chez elle et chez ses voisins
Le pays de Nelson Mandela a su tirer avantage de la technologie du mobile pour faire de la banque virtuelle. Son avantage : un taux exceptionnel de couverture de 100% d’utilisateurs de mobile et un secteur bancaire en guerre pour conquérir le moindre segment de personnes non bancarisées. Mais loin de se limiter au plan local, les banques sud-africaines ont étendu leurs produits à leurs filiales du Lesotho, de la Namibie et du Botswana, qui ont totalisé à elles toutes plus de 2,4 millions de transactions par téléphone.
Les banques ont été les moteurs de cet essor du paiement mobile. Elles ont financé des programmes qui permettent de faire de la banque mobile quel que soit le type de téléphone utilisé. Les offres dans ce pays vont plus loin. OltiO, une joint-venture entre l’opérateur panafricain de téléphonie MTN et la Standard Bank, a lancé un concept qui permet, via son mobile, de régler des factures en ligne et d’acheter plus facilement sur Internet. Une autre initiative est celle d’Absa Bank, qui a essayé en décembre 2012 un test de règlement via le portable grâce à des modules installés dans des points de vente par son partenaire NFC (Near Field Communication).
Source : agenceecofin.com