[12/04/2013 10:23:53] EPERNAY (Marne) (AFP) Même artisanaux, familiaux, oeuvrant sur une poignée d’hectares, les vignerons français sont incités à partir à la conquête des nouveaux palais qui découvrent le vin au bout du monde et commencent, de la Chine au Brésil, à prendre goût aux vins de terroir.
Les vignerons indépendants de France (VIF – hors coopératives ou maisons de négoce) avaient fait de l’export le thème central de leur congrès, à Epernay jusqu’à vendredi, en rappelant que les vins, au 2e rang des exportations françaises derrière l’aéronautique, ont rapporté l’an passé 7,5 milliards d’euros (11 milliards avec les spiritueux).
“Quand je suis arrivé aux affaires il y a une quinzaine d’années, les choses allaient plutôt mal: en cinq ans, on a perdu notre marché en France” est venu témoigner jeudi l’un des leurs, Fabrice Durou, héritier du Château de Gaudou en Cahors.
Aujourd’hui à 35 ans, le jeune homme exporte 70% des 230.000 caisses produites et embouteillées à la propriété (40 ha), s’est “fait des amis partout et prend cinq semaines de congés par an”.
Son malbec, noir comme une résine, se vendait déjà un peu au Royaume-Uni. Il a ciblé la Belgique, les Pays-Bas, les Etats-Unis, le Canada et surtout le Québec qu’il affectionne: “J’ai doublé la production du haut-de-gamme. Je vends 10 à 20% plus cher en moyenne et certaines cuvées devraient même doubler”, confie-t-il.
Dans son viseur: le Mexique, qu’il approche tranquillement depuis le Texas et “sent” mieux que le Brésil, alors qu’il est déjà en Chine et à Hong-Kong.
Le secret, jure-t-il, c’est la foi et la patience: “A 20 ans, j’ai compris que ceux qui décollaient figuraient dans le Wine Spectator”, la bible (contestée) de l’Américain Robert Parker. “J’ai attendu dix ans pour avoir une bouteille testée – et bien notée – dans un magazine américain”.
Les Etats-Unis, qui restent le 2e marché extérieur du vin français avec 1 milliard d’euros après le Royaume-Uni (1,33 md), ont augmenté de 17% leurs commandes en 2012.
Fort potentiel en Inde
Mais la Chine (Hong-Kong compris) arrive en 3e position avec 842 millions d’euros. Elle y prend tellement goût que sa consommation a bondi de 30% en quatre ans (2008 -2012).
“Une bouteille sur deux vendue en Chine est française”, assure Hélène Hovasse, responsable du secteur pour Ubifrance en Chine, l’agence d’aide à l’export, lors d’une liaison avec le congrès depuis Shanghai.
Pour elle, il reste beaucoup à faire: si les ventes reposent à 80% de Bordeaux et à 90% sur le rouge, les importateurs cherchent des blancs, notamment pour les restaurants des grandes villes du sud, où on mange beaucoup de poissons.
“Les importateurs chinois ont envie d’écouter une histoire: ils recherchent l’authenticité, les contacts directs” assure-t-elle à l’auditoire.
“Etre indépendant est un plus” confirme Maxime Blin, 30 ans, qui vend les champagnes maison au Brésil: “On est perçu comme des artisans: je suis viticulteur, pas commercial: ça les rassure”.
Depuis trois ans, il s’est même lancé en Afrique, au Togo notamment, évitant par choix un marché européen qu’il juge trop concurrentiel.
“En France, la filière est réactive: elle a su saisir les marchés des grands émergents”, constate Sébastien Andrieux, chef du service Vins et spiritueux d’Ubifrance. En Inde, elle est leader à 38%. Elle est 2e en Russie, 3e au Brésil”.
Or, le grand marché brésilien, comme la Russie, importe 80% des vins consommés. Contre seulement 20% en Chine ou en Inde, marché encore anecdotique (6 ml/tête/an en moyenne). “Une cuillère à café”, quand le Brésil tourne autour des 2 litres, la Chine 1,3 et la Russie 7 à 8 litres.
“Ca laisse imaginer le potentiel”, insiste M. Andrieux. D’autant plus que la consommation de vin recule en gros partout sauf en Chine, en Australie et aux Etats-Unis, selon l’Office international du vin (OIV).
Et même si la Chine pousse son vignoble (+20% des surfaces en 4 ans), il faut 10 à 15 ans, rappelle-t-il, pour faire un vin de qualité.