Un homme devant son ordinateur (Photo : Lionel Bonaventure) |
[13/04/2013 06:30:34] WASHINGTON (AFP) Le bitcoin, la mystérieuse monnaie des férus d’internet présentée comme un moyen “cool” de s’affranchir des banques centrales, a subi la semaine dernière son premier véritable “krach”, sous la pression de spéculateurs inconnus, suscitant des doutes sur son avenir.
Le prix de cette monnaie virtuelle prisée par les “geeks” a connu une surprenante ascension ces dernières semaines, avant d’être divisé par cinq en trois jours.
Inventé en 2009 après la crise financière mondiale par un mystérieux informaticien caché sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto, le bitcoin a subi jeudi “un effondrement majeur”, a admis vendredi dans un email à l’AFP Gavin Andresen, responsable scientifique de la Fondation Bitcoin.
“Il y a eu beaucoup de spéculation de court terme”, explique-t-il, “avec des gens qui voient que le prix monte et veulent se lancer, faire de l’argent, et ensuite s’en aller avant que (le prix) s’effondre”.
Le bitcoin, dont le prix a grimpé jusqu’à 266 dollars mercredi, ne valait plus que 54 dollars vendredi, selon la plateforme Mt. Gox, qui gère 80% des échanges de bitcoins, et a dû fermer ses portes momentanément jeudi.
La volatilité du prix “n’est pas bonne pour le bitcoin”, reconnaît M. Andersen. Mais “à fur et à mesure que le bitcoin prend de la valeur, et que les infrastructures qui l’entourent atteignent une certaine maturité, son prix par rapport aux autres devises deviendra plus stable”, promet-il. Cela pourrait prendre “quelques années” et passer par des moments “chaotiques”, admet-il cependant.
Selon certains analystes, la hausse vertigineuse du bitcoin aurait été provoquée par des investisseurs russes et chypriotes qui cherchaient à mettre leurs euros à l’abri au moment de la crise financière de Chypre.
Mais pour le professeur d’économie Steve Hanke, de l’université John Hopkins à Baltimore (Maryland, est des Etats-Unis), la bulle des bitcoins a “éclaté” sous la pression d’investisseurs “majoritairement américains”.
Le bitcoin reste “une aventure spéculative, très incertaine”, car “c’est une monnaie qui n’est pas soutenue par un bien” réel mais utilisée comme un investissement, explique-t-il.
“Haut degré d’anonymat”
James Surowiecki avait pointé ce risque du doigt, dans la revue du Massachusetts Institute of Technology en août 2011. “Avec des devises ordinaires, il y a une limite à la spirale (de la baisse des prix) car les gens ont besoin de manger, de payer leurs factures” alors qu’avec le bitcoin “on peut très bien se porter sans jamais les dépenser”.
ères Tyler et Cameron Winklevoss à New York, le 8 février 2013 (Photo : Michael Loccisano) |
Les frères Winklevoss, qui accusent le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg de leur avoir volé l’idée du réseau social, ont indiqué jeudi au New York Times avoir acheté pour 11 millions de dollars de bitcoins, saluant un système affranchi “de la politique et de l’erreur humaine”.
Mais le sytème est complexe.
Le bitcoin est “créé” (“mined”) par la résolution de programmes mathématiques complexes générés par ordinateur. Le logiciel de ces programmes pose une difficulté exponentielle à la “frappe” de nouveaux bitcoins, dont le nombre est limité à 21 millions.
Cette complexité favorise le risque, a estimé la Banque centrale européenne, dans un rapport publié en octobre.
Les échanges sont en outre totalement anonymes. Et ce “haut degré d’anonymat” peut conduire le bitcoin à devenir une “alternative monétaire au trafic de drogue ou au blanchiment d’argent”, selon la BCE.
La BCE met aussi en garde contre un fonctionnement à la “Ponzi”, système qui consiste à rémunérer les premiers investisseurs par les dépôts d’investisseurs ultérieurs, utilisé par l’escroc Bernard Madoff. Les utilisateurs de bitcoins ne peuvent en effet retirer leur argent que si d’autres personnes veulent leur acheter des bitcoins.
Enfin, le système sur internet n’a pas échappé aux attaques informatiques, comme ces “valises” virtuelles de bitcoins hackées en 2011.
M. Hanke modère toutefois les critiques de la BCE. “Si une monnaie privée devient une menace pour les gouvernements, ces derniers trouveront plein de raisons pour dire qu’il s’agit d’une mauvaise idée”.